Un marché fructueux aux débouchés prometteurs

9,7 milliards. C’est le nombre d’habitants sur la Terre en 2050 [1]. À l’heure où la pression sur les ressources écologiques et environnementales est écrasante, la France se montre pionnière de l’industrie des insectes. Avec une augmentation de 50 % de la demande en protéines d’ici 30 ans [2], les protéines d’insectes pourraient entièrement satisfaire les besoins de notre population croissante. Bien ancrée dans les traditions alimentaires de divers continents, l’entomophagie constitue le mode d’alimentation de plus de 2,5 milliards de personnes dans le monde, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine [3]. La France réussira-t-elle à dépasser son blocage culturel pour nourrir sa population ?

Les protéines d’insectes réussiront-elles à gagner la confiance des Français ?

Un mode de production plus durable

Recyclage des déchets issus du gaspillage alimentaire, valorisation des biodéchets ou fertilisation organique, l’élevage d’insectes défend aisément sa place au sein de l’agriculture durable.

L’ ENTOMOCULTURE RÉDUIT L’ ÉMISSION DE GAZ À EFFET DE SERRE…

Dans l’hexagone, 16% des émissions de méthane proviennent des processus de traitement des déchets alimentaires par enfouissement et incinération [4]. Cette émission de gaz à effet de serre (GES) est significativement réduite par l’entomoculture. Aussi, là où le compostage durerait 6 à 18 mois par les méthodes classiques, il ne faudra que 10 jours aux larves issues d’1 kg de mouche Soldat noire pour éliminer 40 à 50 tonnes de déchets alimentaires [5] !

L’émission de GES concerne aussi la production. L’entomoculture génère une quantité moindre de GES contrairement à l’élevage de bovins, qui en émet 14,5% [5]. En effet, 1 kilogramme (kg) de viande bovine équivaut à une émission de 27 kg de GES, soit 100 fois plus que l’élevage d’1kg de vers de farine [6].

… MAIS AUSSI LA CONSOMMATION D’ EAU

Outre l’émission moindre de GES, l’industrie des insectes est moins gourmande en eau. D’après la communauté scientifique, il faut environ 700 litres d’eau pour produire 1kg de viande de bœuf contre seulement 10 litres pour une quantité équivalente d’élevage d’insectes [7].


Un concentré énergétique doté de multiples bienfaits

Les insectes comestibles renferment une quantité phénoménale de nutriments essentiels à la croissance de l’organisme. Leur profil nutritionnel varie selon l’espèce et le stade de développement dans leur cycle de vie.

LES INSECTES SONT RICHES EN MACRONUTRIMENTS

Ils possèdent une teneur élevée en protéines, jusqu’à 75% selon les espèces. Ces protéines sont de haute qualité et stimulent la croissance des protéines musculaires postprandiales de manière identique aux protéines d’origine animale [8].

Les lipides sont les deuxièmes macronutriments majeurs entrant dans la composition des insectes comestibles. Leur teneur varie de 13% pour les orthoptères (sauterelles, grillons, criquets) à 33% pour les coléoptères (scarabées, vers blancs). Les insectes renferment moins de lipides que la viande, qui en contient 48% en moyenne.

Aussi, leurs huiles sont riches en acides gras poly-insaturés tels que les Omégas-3 dits « essentiels » et devant obligatoirement être apportés par l’alimentation. Ils interviennent dans le développement sain des enfants et des nourrissons [9].

MAIS AUSSI EN FIBRES ET EN OLIGOÉLÉMENTS

La teneur en fibres des insectes est plus élevée que celle de la viande animale et elle est comparable à celle des légumineuses (cf. graphique) [10].

Les insectes sont également riches en divers minéraux, jouant un rôle essentiel dans les processus biologiques : fer, zinc, magnésium, cuivre et sélénium. Ils renferment aussi des vitamines, notamment les vitamines B1, B2 etB3, nécessaires aux processus métaboliques et au fonctionnement du système immunitaire [11].

Une popularité en hausse dans les pays occidentaux

Chaque pays possède ses propres coutumes. D’une part, les pays d’Asie sont un lieu où l’entomophagie prône une coutume à part entière. En Thaïlande, les insectes se consomment crus ou cuisinés, quel que soit le moment de la journée [12]. En Chine et au Japon c’est la consommation de larves et de nymphes qui est plus populaire. D’autre part, les pays d’Afrique apprécient tout autant cette consommation à travers les sauterelles, les criquets et les chenilles (Ouganda et Burkina Faso).

LA CONSOMMATION D’ INSECTES EN EUROPE

Ceci s’explique grâce à l’aromatisation des insectes sous toute leurs formes, dont principalement les vers de farines, les grillons et les fourmis [13]. En France, cette consommation est considérée comme une pratique “rurale”, souvent qualifiée d’“écoeurante” voire « dégoûtante » [14]. Face à une forte aseptisation durant ces dernières années, principalement à travers la diabolisation des microbes, les insectes projettent une image de “bactérie”. Ils seraient donc associés à de possibles maladies. Selon les occidentaux, éviter cette consommation permettrait d’atténuer certaines pathologies.

EN FRANCE, LES FERMES D’ ENTOMOCULTURE SE MULTIPLIENT

Trois grandes entreprises se sont spécialisées dans ce domaine. La première, Jimini’s, a été créée en 2012 par Clément Scellier et Bastien Rabastens. Cette marque française travaille avec Entoma, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits à base d’insectes comestibles [15]. La seconde s’appelle Ynsect. Elle est spécialisée dans l’élevage d’insectes et leur transformation à destination des animaux. Cette entreprise vise à cibler dans un futur proche l’alimentation humaine [16]. Enfin, c’est l’entreprise Micronutris, fondée en 2011, qui est actuellement la première ferme d’élevage d’insectes comestibles à destination humaine [17].

À garder en mémoire

Acteurs du zéro-déchet, les insectes présentent un double intérêt : la gestion des biodéchets et la production de protéines comestibles. Ainsi, le 4 mai 2021, l’Union européenne donne son feu vert à la commercialisation de produits à base de farine de vers. C’est la première autorisation de mise sur le marché d’insectes destinés à l’alimentation humaine [18].

Les insectes nourrissent des populations de divers horizons depuis plusieurs millénaires et le monde occidental depuis quelques décennies. En effet, les bienfaits de l’entomophagie s’étendent sur plusieurs plans : nutritionnel, environnemental, économique et social [19].

Le défi pour cette nouvelle industrie sera d’assurer la production rentable d’insectes, de qualité constante et élevée [20], tout en assurant la sécurité alimentaire à sa population [21].

Caroline Tamraz, Sorelle Yetna et Victoria Sicard – MBA C&S- EFAP
@carolinetmz13 @victoriasicard4  #MBAComSanté  @EFAP_


Références

  1. Organisation des Nations Unies (ONU) – 2019, 
  2. Rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA ou FAO) – 2021
  3. Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) – 2016
  4. AgroParisTech Service Etudes. 2020. « Le double intérêt des insectes : traiter les biodéchets et produire des protéines », 14/11/2021,
    https://agroparistech-service-etudes.fr/le-double-interet-des-insectes-traiter-les-biodechets-et-produire-des-proteines/
  5. DAGORN Gary. 2018. « Pourquoi la viande est-elle si nocive pour la planète ? », 11/12/2018
  6. Rapport de l’Expertise scientifique collective de l’INRAE : « Rôles, impacts et services issus des élevages européens » – 2016
  7. Rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (ONUAA ou FAO) : « Edible insects, Future prospects for food and feed security » – 2013
  8. The American Journal of Clinical Nutrition, Volume 114, Issue 3, September 2021, Pages 934–944
  9. Les STIM en contexte – “devrions nous manger des insectes”, FAQ, parlonssciences.ca, Consulté le 21/02/2022 – Pages 16-17 Microsoft Word – avis 12.02.2015-BIORISK-2014-SA-0153.doc (anses.fr)
  10. Parlons sciences – 2019
  11. Samuel Bonneau, “Nourrir le monde de demain : avantages et risques de l’entomophagie.” HAL open science, CNRS – Pages 40-53
  12. Romain Fessard, Zoom sur les pays mangeurs d’insectes
  13. Blog Jimini’s, Dans quels pays vous croiserez des insectes à manger pendant vos vacances ? 
  14. Romain Fessard, Blog Insectes comestibles, Pourquoi a-t-on arrêté de manger des insectes comestibles en Europe ?
  15. 12 juin 2019, Pourquoi consommer des insectes ?
  16. Ynsect, Notre ADN
  17. L’Entreprise
  18. Chaîne internationale Euronews – 2021
  19. Samuel Bonneau, HAL Open Science, 2020, Nourrir le monde de demain : avantages et risques de l’entomophagie
  20. Samuel Bonneau, HAL Open Science, 2020, Nourrir le monde de demain : avantages et risques de l’entomophagie
  21. 12 juin 2019, Pourquoi consommer des insectes ?