Début juillet 2019, la Ministre des Solidarités et de la Santé, Madame Agnès Buzin, a annoncé le déremboursement total de l’homéopathie à partir du 1er janvier 2021.

La Ministre a expliqué qu’elle avait suivi les conclusions du rapport qu’elle avait demandé à la Haute Autorité de Santé (HAS) et qui lui a été rendu fin juin 2019.

Ce rapport, après avoir analysé les données de 1200 produits homéopathiques, concluait qu’ils n’avaient « pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d’un remboursement. ».

Notons que le montant remboursé par la Sécurité Sociale pour l’homéopathie était de 126,8m d’euros en 2018. Sur un total de 20 milliards d’euros.

Le déremboursement se fait par étapes, les médicaments homéopathiques ne sont plus remboursés qu’à 15% depuis le mois de janvier 2020, avant un déremboursement complet dès le 1er janvier 2021.

Cette décision trouve sa traduction légale le 8 octobre 2019, quand sont publiés au Journal Officiel (JORF n°0234 / texte n°7), les textes confirmant la radiation de l’homéopathie des spécialités remboursables.

A l’origine du processus qui a conduit à cette décision se trouve une polémique ancienne relancée par le collectif des 124 (groupe de professionnels de santé). Ce collectif a rédigé le 19 mars 2018 une tribune dans le Figaro, contre les médecines non conventionnelles.

L’homéopathie était particulièrement ciblée par le collectif, qui interpelait le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et les pouvoirs publics sur l’utilisation du titre de médecin homéopathe et demandait que les diplômes délivrés dans cette discipline ne soient plus reconnus comme qualification médicale

Ils leurs demandaient également d’œuvrer au déremboursement complet de l’homéopathie, en l’absence de preuves scientifiques sur son efficacité.

Au final, ce sont quelques 1200 produits homéopathiques utilisés tant pour le traitement des allergies, des migraines ou de maux divers que pour des pathologies plus lourdes, qui ne seront plus pris en charge par la Sécurité Sociale, alors que ceux-ci bénéficiaient jusqu’alors d’un taux de remboursement de 30%.

Ces produits seront toujours disponibles en vente libre en pharmacie ou sur prescription médicale, mais progressivement ils ne seront donc plus remboursés.

C’est une véritable déflagration dans le monde de l’homéopathie, car cette décision touche de plein fouet les patients attachés à leur traitement, qui ne seront plus pris en charge par la Sécurité Sociale et les praticiens de cette discipline (environ 5000 en France) dont l’activité est menacée. Elle entraîne aussi des conséquences économiques pour toute la filière dont le principal fabricant est le laboratoire Boiron, qui emploie plus de 3600 salariés dans le monde pour un Chiffre d’Affaire de 604 millions d’euros en 2018.

Comment les français jugent l’homéopathie

Ces intérêts convergents constituent le gros des troupes qui soutient cette spécialité et qui milite pour que l’utilité des produits en question soit reconnue et que le gouvernement réévalue sa position sur le déremboursement complet.

Dans le camp opposé, le collectif des 124 professionnels de santé, qui a mis le feu aux poudres en rédigeant la tribune du figaro en mars 2018 et qui a poussé les autorités sanitaires et le gouvernement à aller au bout de cette réforme, s’organise autour du COLLECTIF FAKE MED qu’il a créé.

Une guerre de tranchée est donc engagée entre ceux qui soutiennent le remboursement de l’homéopathie et ceux qui pensent qu’une prise en charge par la Sécurité Sociale n’est pas justifiée et pèse anormalement sur son budget.

Les principales armes sont les mêmes dans les deux camps :  la communication sur les réseaux sociaux et dans les médias traditionnels (Télévision, radio, presse ) avec des cibles différentes et des messages qui traduisent leurs positions respectives.

La liberté du choix de traitement pour les pros remboursement et l’absence de fondements scientifiques de l’Homéopathie et l’exigence d’une utilisation raisonnée des fonds publics pour leurs opposants.

Le COLLECTIF FAKEMED : une arme de communication massive

« La médecine n’est pas un concours de popularité. Le rôle d’un médecin n’est pas de faire plaisir au patient mais de lui proposer, si nécessaire, des traitements dont l’efficacité a été validée scientifiquement . Ce qui n’est pas le cas de l’homéopathie.» déclare le Docteur Jérémy Descoux (Président de l’Association COLLECTIF FAKEMED »depuis juin 2019).

Jérémy Descoux président du collectif FAKEMED

Les 124 signataires de l’appel contre les médecines alternatives qui a donné lieu à la tribune publiée dans le Figaro sont regroupés au sein d’un groupe nommé :« collectif FAKEMED », présidé par le médecin cardiologue de Perpignan le Dr Jérémy Descoux.

Ce collectif s’est donné pour mission d’exclure l’homéopathie du champ médical et a reçu de nombreux soutien : Des syndicats de médecin comme, le Syndicat de l’Union Française pour une Médecine Libre (UFMLS) , l’Association Nationale des Etudiants en Médecine de France (ANEMF) ou le Conseil Nationale des Généralistes Enseignants (CNGE). La tribune a aujourd’hui recueilli 3337 signatures.

Il est constitué de médecins généraliste et spécialistes ; de pharmaciens, kinésithérapeutes ou sages-femmes qui se montrent très actifs sur les réseaux sociaux, à l’instar de son président Jérémy Descoux qui était déjà connu pour sa chaine YouTube « Asclépios » suivie par plus de 92 000 abonnés.

Par ailleurs, depuis sa création, le compte Twitter du collectif FAKEMED (#FakeMed) compte plus de 13 000 abonnés.

Les réseaux sociaux (twitter, Facebook, Instagram) permettent de toucher un large public, car l’enjeu majeur de cette guerre pour le collectif est de gagner l’avis de l’opinion publique qui, selon les différents sondages est plutôt favorable à l’homéopathie.

Ce collectif très dynamique, assure aussi bien l’attaque que la riposte, parfois avec humour

Ils sont capables de réagir efficacement et rapidement par médias interposés pour tourner en dérision le camp adverse en s’appuyant sur la forte audience des réseaux sociaux.

Ils ont ainsi, en réponse au lancement du site : « monhomeomonchoix » par les soutiens de l’homéopathie,  mis sur pied une campagne virale sur Twitter avec l’hashtag, « #monharibomonchoix ».

Au travers de ce mot clé le collectif se moque des fameux granules en les comparant aux célèbres bonbons qui malgré leur popularité et leurs nombreux adeptes en France, n’ont aucun usage thérapeutique avéré et ne sont de ce fait, pas remboursés par la Sécurité Sociale.

Ils se montrent aussi très actifs sur Twitter en dénonçant la stratégie de communication des pros homéopathie basée sur la liberté de soins plutôt que par l’évaluation de son efficacité par les autorités sanitaires.

Parmi les autres arguments développés par le collectif, celui-ci revendique d’utiliser l’argent économisé grâce au déremboursement de l’homéopathie pour aider les urgences des hôpitaux, recruter des infirmières et des aides-soignantes et aider la médecine de ville dans certains secteurs sinistrés.

Ce travail de sape a conduit le Conseil Nationale de l’Ordre des Médecins, à prendre position contre l’homéopathie et lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 19 juin 2018,il a réclamé la fin de l’expression « médecin homéopathe » et demandé que la mention homéopathe ne puisse être utilisée que par les praticiens titulaires d’un diplôme en médecine et exerçant déjà en tant que généraliste ou spécialiste .

Par ailleurs ce même conseil a également remis en cause l’existence du droit au titre de l’homéopathie et aux conditions de délivrance du diplôme universitaire.

En conséquence de quoi, après son ralliement au collectif FAKEMED, le Conseil Nationale des Généralistes Enseignants (CNGE) a demandé la suppression de tout diplôme universitaire d’homéopathie des facultés de médecine et de pharmacie

La faculté de santé d’Angers suivi par la faculté de médecine de Lille a entériné l’abandon définitif de ce diplôme. Alors que d’autres ont suspendu cette formation en attendant la décision définitive du Conseil de l’Ordre.

Néanmoins, le Conseil de l’Ordre des médecins reconnait depuis 1974 l’homéopathie en tant que médecine complémentaire, il ne ferme pas la porte à cette pratique et tente de ménager les pros homéopathie, notamment en ne prenant pas position sur la question du remboursement.

L’activisme médiatique du camp adverse n’est peut-être pas totalement étranger à cette approche qui laisse beaucoup d’options ouvertes

 

 « Mon homéo, Mon choix » La liberté de soins avant tout !

Nous n’avons jamais vu une attaque aussi violente visant à nous casser aussi rapidement » déclare Valérie Poinsot (Directrice Générale du laboratoire Boiron).

Du côté des défenseurs de l’homéopathie, fabricants et praticiens s’organisent pour faire face aux attaques du collectif FAKEMED avec pour objectif de mobiliser le public et les patients autour de la défense des principes du respect des croyances individuelles et des libertés personnelles en termes de traitements.

Les laboratoires d homéopathie les plus importants (Boiron, Lehning et Weleda) se sont ainsi accordés sur une stratégie de communication commune reposant sur 3 piliers : médiatique, politique, et sociétal .

Les laboratoires homéopathiques, Boiron en tête, multiplient les déclarations et les interviews auprès de la presse régionale et nationale, de la télévision et de la radio, pour mobiliser l’opinion et rallier le plus de soutiens possibles à leur cause.

Cette stratégie s’est traduite, 2 semaines après la parution de la tribune du Figaro, par le lancement du site « monhomeomonchoix»

Ce site est le résultat d’une large union qui regroupe entre autres trois laboratoires d’homéopathie (Boiron, Lehning et Weleda, 2 associations de patients et des organisations professionnelles comme le Syndicat National des Médecins Homéopathes Français (SNMHF) et la Fédération Nationale des sociétés Médicales Homéopathiques de France (FNSMHF).

Il est largement financé par les laboratoires et a permis de lancer une pétition en ligne qui a déjà recueilli 1,3 millions de signatures contre le déremboursement, présente un sondage pro homéopathie et met à disposition un numéro dédié pour l’envoi de SMS de soutien « homéo ».

La campagne  « Monhomeomonchoix » s’est mise en place sur les réseaux sociaux et est répliquée sur Facebook , Instagram, Twitter et YouTube. Interviennent aussi des d’influenceuses / blogueuses « Lifestyle »ou « famille ».

Enfin, des patients et des pharmaciens relaient la campagne via la mise à disposition de vignettes graphiques avec chiffres clés et slogans ; et campagnes d’affichage dans les cabinets et pharmacies.

Pour assoir cette campagne nationale, des réunions sont aussi organisées dans les grandes villes de France sous le titre « les rencontres de l’homéopathie » avec le slogan «santé vous libre ». Elles sont ouvertes au public et sont animées par des professionnels de santé et des patients

Rencontres de l’homéopathie le 13/11/2019 à Brest

Dans un autre registre, les associations de médecins homéopathes ont déposés plusieurs plaintes auprès du Conseil de l’Ordre des Médecins contre les médecins signataires du collectif » FAKEMED »,  pour « non-confraternité ».

Sur le terrain, des personnalités politiques apportent leur soutien à la cause des pro homéopathique et font référence au champ des libertés individuelles.

Ainsi Xavier Bertrand, Président de la Région Haut de France, et ancien ministre de la santé, a déclaré sur son compte twitter que « le maintien du remboursement même partiel aurait permis de respecter la liberté de choix et de protéger l’emploi »

Ou en juillet 2019, dans le Journal du Dimanche, quand 45 députés de tous bord ont dit « non au déremboursement de l’homéopathie ».via une tribune.

Enfin pour renforcer ce lobbying, a été publié un livre blanc de l’homéopathie intitulé « Quelle place pour l’homéo dans l’offre de soins » préfacé par 17 députés et sénateurs et rédigé par des associations de patients et des médecins. Celui-ci détaille 5 propositions concernant la formation et la recherche, dans le but d’obtenir le maintien du remboursement à 30%.

Cette parution participe à cette stratégie de communication de grande ampleur, jamais vue dans ce secteur.

L’avenir de l’homéopathie en France

La guerre d’information et de communication que se livrent les pros et les anti-homéopathie oppose deux camps ayant une vision différente de l’exercice de la médecine et repose sur deux stratégies distinctes, bien que le gros des troupes soit essentiellement issu des mêmes facultés.

D’un côté, les médecins conventionnels qui défendent l’idée qu’un produit doit avoir fait preuve de son efficacité pour être remboursé et se posent en défenseurs d’une utilisation efficace et raisonnée des deniers publics.

De l’autre, les médecins homéopathes qui défendent l’idée de la liberté de choix en matière de soins et la complémentarité des médecines.

C’est donc avant tout une guerre fratricide qui ouvre un gouffre au sein d’une même corporation, et qui risque de laisser des traces, ce qui peut expliquer la prudence dont fait preuve le Conseil de l’Ordre des Médecins, notamment sur la question du déremboursement.

Sur cette question les détracteurs de l’homéopathie ont déjà gagné une bataille importante en ralliant à leur position la Haute Autorité de Santé et des autorités de tutelle.

Il sera donc difficile pour les pro homéopathie de provoquer un changement de cap même s’ils misent sur l’opinion publique pour inverser la tendance

Alors assistera-t-on à la tenue d’un débat parlementaire sur la question de l’homéopathie comme le réclamaient les soutiens de cette spécialité en octobre 2019, par la voix de Valérie Poinsot du Laboratoire Boiron.

Interview BFM du 25 Octobre 2019

Cela paraît peu vraisemblable dans le contexte actuel qui relègue cette guerre de positions au second plan et la fait paraître bien dérisoire devant le cataclysme provoqué par la crise sanitaire due au COVID 19.

Demain, quelle sera la place de ce débat parmi les nombreux fronts ouverts dans la société et le monde de la médecine par le coronavirus.

Ce qui paraît certain c’est que les partisans de la rationalité scientifique voient leur position renforcée et qu’il sera difficile, dans la recherche d’optimisation des moyens affectés à la santé des français qui s’annonce, de trouver des défenseurs d’un retour en arrière sur la question du remboursement de l’homéopathie.

Marie-Emmanuelle Perrin –  Etudiante en MBA Communication & Santé (EFAP)


Références

HAS – https://www.has-sante.fr/jcms/p_3116594/fr/evaluation-des-medicaments-homeopathiques

Arrêté du 8/10/2019 : http://beta.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000039191413

CNOM: http://www.conseil-national.medecin.fr

CNGE – http://www.cnge.fr/

SNMHF : http://www.snmhf.fr

FIGARO SANTE – https://sante.lefigaro.fr/article/l-appel-de-124-professionnels-de-la-sante-contre-les-medecines-alternatives/

LE JOURNAL DU DIMANCHE : https://www.lejdd.fr/Politique/tribune-45-deputes-sopposent-au-deremboursement-de-lhomeopathie-

COLLECTIF FAKEMED – http://fakemedecine.blogstop.com/

Site « monhomeomonchoix » –  http://www.monhomeomonchoix.fr

LIVRE BLANC HOMEOPATHIE – https://monhomeomonchoix.fr/livre-blanc-quelle-place-pour-l-homeopathie-dans-l-offre-de-soins.pdf

SONDAGE IPSOS – https://www.ipsos.com/fr-fr/lhomeopathie-plebiscitee-par-les-francais

Blogueuse : Charlotteandfamily – https://www/instagram.com/charlotteandfamily/