Dr Jacques LUCAS

Ordre National des Médecins

Quelles ont été les avancées majeures de la communication santé dans les 30 dernières années ?

En perspective de trente ans, nous sommes passés des dictionnaires et manuels du docteur X que l’on trouvait dans les bibliothèques familiales avec des conseils sur l’hygiène et les traitements des maladies, à la communication grand public dans les magazines sur le bien-être et la santé plus que sur la médecine scientifique proprement dite, à la communication (souvent du sensationnel via les médias audiovisuels, puis à la communication partagée via les réseaux sociaux, les blogs, les forums de discussion. Initialement, cette communication 2.0 mêlait les connaissances du professionnel de santé avec celle de l’usager dans un climat assez bienveillant d’échanges réciproques. En très peu d’années et surtout dernièrement, cette forme pédagogique de communication en santé a malheureusement fait place à de la condescendance agressive avec  des arguments d’autorité d’une part et à des contestations, non moins agressives,  des données acquises de la science ou de l’expérience professionnelle, d’autre part. Dans le même temps, la communication institutionnelle en santé a dû faire face à une suspicion généralisée sur la véracité de la parole publique. Les fake-news perturbent aujourd’hui gravement la qualité de la communication en santé, comme dans tous les domaines d’ailleurs, mais avec des conséquences pouvant être majeurs en termes de santé publique et de sécurité des soins.

 

Quelles devraient être, selon vous, les axes à privilégier dans la communication santé dans les 30 prochaines années ?

Il découle de ce qui vient d’être exposé  que restaurer la crédibilité des sources de communication est un véritable enjeu. Cela demandera au moins quelques années pour y parvenir. La vulgarisation des connaissances académiques et la transparence sur des données ou des faits de santé publique représentent, me semble-t-il, la voie à prendre. Le Service public d’information en santé en représente un des moyens. Mais la condition de sa réussite ne peut que reposer sur un comité éditorial  qui soit le reflet de la démocratie en santé (instances scientifiques, professionnels de santé et du journalisme, usagers et patients etc.) avec la transparence sur de potentiels liens d’intérêts. Un autre axe est que la communication en santé devient plus personnalisée qu’elle ne l’est aujourd’hui. Par exemple, la prévention devra se baser sur des facteurs individuels de risque et ne plus se réduire à des messages massifs non ciblés qui ratent leur but. A cet égard, des applis faisant appel à l’IA pour le traitement des données que le citoyen y aura entré lui-même pourraient avoir un grand avenir.

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