Véronique SUISSA
Docteur en psychologie et psychologue clinicienne
Quelles ont été les avancées majeures de la communication santé les 30 dernières années ?
La communication en santé est une dynamique en constante évolution. Depuis 30 ans, elle s’est transformée et adaptée à mesure des avancées sociétales, scientifiques, juridiques, médicales, etc.
La valorisation des libertés individuelles, notamment en matière de santé et la politique d’autonomisation des soins qui en a découlé, participe d’une communication centrée sur les « droits des patients ». Droit à l’information, représentativité des usagers, personne de confiance, décision médicale partagée ou encore droit au refus de soins sont autant de thématiques au cœur de la communication en santé. Véritable acteur de sa santé, le patient est considéré libre de ses choix et de ses orientations thérapeutiques. Dans cette optique, la place du patient en institution a évolué vers une plus grande considération de son vécu, de son expertise.
Dans le même temps, l’essor du care en centre de soins a modifié les pratiques de terrain conduisant les médias à communiquer autour de nouvelles thématiques telles que la prévention, la qualité de vie, le bien-être ou encore les médecines complémentaires et alternatives. En effet, la définition de la santé, telle que conceptualisée par l’OMS, a apporté un nouveau regard sur l’accompagnement des personnes fragilisées. Ainsi, de nos jours, notre santé n’est plus exclusivement envisagée comme « l’absence de maladie » mais comme une appréciation subjective de notre propre vécu physique, psychique, social et spirituel.
Sujet au cœur de l’actualité, la santé n’est plus l’apanage de la médecine, mais bien celui de la société dans son ensemble : grand public, spécialistes, malades, familles, aidants, patients experts, soignants, praticiens en médecines complémentaires, psychologues, chercheurs en sciences humaines, etc. Dans cette perspective, la communication en santé représente un enjeu majeur et pose clairement la question d’une information éclairée et accessible à tous.
Quelles devraient être les axes à privilégier en communication santé les 30 prochaines années ?
Trois enjeux sont à soulever pour l’avenir : porter l’éthique, s’extraire de la bien-pensance et lutter contre la désinformation.
1-Porter l’éthique : la communication en santé gagnerait à porter une dynamique de réflexion autour de sujets sensibles, complexes et sans réponse univoque. Par exemple, comment articuler « libertés » et « sécurité » en institution de soins ? Comment accompagner la souffrance et/ou la fin de vie ? Comment penser et se positionner face au refus de soins (ex. : alimentation, hygiène…), voire de traitements vitaux ? Porter une réflexion philosophique auprès des acteurs de santé est d’autant plus essentiel que la réalité de terrain est marquée par « l’urgence et l’agir », ne laissant malheureusement que peu de temps et de place à l’éthique…
2-S’extraire de la « bien-pensance » : oser appeler « un chat, un chat »… Pouvoir et surtout apprendre à parler de la mort, de la maladie et de la souffrance. Le déni de la mort conduit à la peur des mots et des maux. Malade, vieux ou handicapé ont tendance à devenir des « mots gênants », voire insultants. On les remplace par des termes plus rassurants : usagers, clients, personnes âgées ou en perte d’autonomie. Or, la maladie, la vieillesse, le handicap, en bref, la souffrance, font partie de la vie. Ne pas admettre la fragilité humaine conduit à des attentes irréalistes envers notre médecine et contribue à des situations aberrantes sur le terrain…
3-Lutter contre la surinformation/désinformation : l’essor de la communication en santé est à la fois une force et une fragilité. La multiplication des sources d’information dans le domaine (sites, presse écrite, télé, ouvrages, conférences) permet effectivement de mieux sensibiliser tout en générant la confusion. Informations contradictoires, vulgarisation excessive des données, paroles de pseudos-experts en santé sont autant de facteurs participant de la désinformation. Ainsi, il existe des sites déconseillant des traitements vitaux, des praticiens promettant une guérison miraculeuse ou encore des témoignages de patients articulés autour d’un univers de croyances (ex. : capacités magiques…).
Incontestablement, les médias détiennent un rôle majeur dans le relai de l’information et la mise en œuvre d’une communication en santé adaptée, ciblée et éclairée.
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