Interview de Thierry Chiche par Hospimedia qui présente les projets et perspectives stratégiques pour les 120 établissements privés.

Hospimedia : « Vous venez de célébrer les « 20 ans d’Elsan » (lire encadré). Le groupe d’hospitalisation privée s’est énormément développé en quelques années. Quelles sont désormais vos perspectives stratégiques ?
Thierry Chiche : Il est vrai que 20 ans est un bel âge pour faire un premier bilan de sa vie, si l’on peut dire… Nous sommes très fiers avec les équipes du chemin parcouru tout au long de cette période. L’un des premiers points remarquables, c’est notre présence territoriale. La vocation d’Elsan est d’apporter de l’excellence médicale, de l’innovation, de la qualité hospitalière au coeur des territoires. L’implantation de notre offre — qui n’est pas seulement en MCO mais aussi en SSR, HAD, imagerie, radiothérapie, dialyse — est véritablement nationale. Il y a un chiffre que l’on aime bien citer, c’est que trois Français sur cinq vivent à moins de 40 kilomètres d’un établissement Elsan. Il n’y a pas d’équivalent dans le secteur de l’hospitalisation privée.

Croissance accélérée sur quelques années
Les « 20 ans » fêtés par le groupe le 10 février correspondent à la création en 2000 par Jérôme Nouzarède et le Dr Michel Bodkier de l’entreprise Vedici, qui acquiert en 2001 ses deux premières cliniques. En 2015, Vedici acquiert le groupe Vitalia et passe dès lors de 35 établissements à 81, dont 66 cliniques MCO. Début 2016 est officialisé le nom d’Elsan pour baptiser le nouvel ensemble. En faisant l’acquisition par la suite du groupe Médipôle Partenaires en 2017, Elsan consolide sa présence dans
l’ensemble des régions et dépasse les 120 établissements. Depuis, des acquisitions et cessions ponctuelles ont été opérées.
Avec récemment, par exemple, le ra chat au groupe Ramsay Générale de Santé à l’été 2019 de trois établissements : dans le Vaucluse, la Clinique Fontvert, située à Sorgues, près d’Avignon, et la Clinique d’Orange, et dans le Bas-Rhin, la Clinique Sainte Odile à Haguenau. Elsan est par ailleurs en train de céder la Clinique du Saint-Coeur à Vendôme (Loir-et-Cher), « un bel établissement mais isolé dans notre dispositif territorial », explique le président du groupe.

Certains groupes sont davantage centralisés sur les grandes métropoles par exemple. L’autre source de fierté est que l’on a vraiment créé un groupe, avec une structuration en territoires — avec une organisation en 38 entités officialisée mi-2018 et un travail en équipe pour coordonner localement l’offre de soins. Le siège du groupe s’est aussi structuré pour fournir des services aux territoires et aux établissements. C’est une plateforme d’appui qui est aujourd’hui extrêmement robuste, et va de la communication au juridique, en passant par l’immobilier, la gestion des autorisations, des projets, de la performance, le contrôle de gestion, etc.

H : Il y a eu effectivement une série de nominations au niveau de la direction du groupe ces toutes dernières années (stratégie et relations médicales, recherche scientifique, etc.). Avez-vous désormais réuni toutes les compétences nécessaires ou d’autres postes sont en projet au siège ?

T. C. : C’est une question un peu difficile car c’est une organisation qui doit être vivante. Elle n’est pas définitive et bien arrêtée mais doit évoluer en permanence au fil des priorités et des grands enjeux groupe. Il y a notamment un enjeu extrêmement important, sur lequel nous allons communiquer, celui de la qualité de vie au travail (QVT). Nous avons une démarche en cours, avec des actions pour renforcer la QVT extrêmement concrètes qui se déploient. Et dans ce cadre est prévue la nomination d’un acteur dedié pour le groupe.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette démarche QVT ?
T.C. : Nous essayons d’être très innovants dans cette démarche et nous avons en fait fonctionné en plusieurs temps. Une enquête d’engagement a d’abord été menée en avril 2019 auprès de l’ensemble des per sonnels du groupe, ceux du siège et de tous les établissements, avec plus de 10 000 réponses recueillies. Ce qui est ressorti de manière explicite, c’est ce message : « prenez davantage soin de nous pour que l’on puisse continuer à prendre soin des patients ». Nous avons donc travaillé à comment répondre à cet enjeu. Avec l’idée de ne pas y répondre par un grand programme ésotérique ou théorique mais quelque chose de concret, une démarche participative, qui amène des résultats visibles. On ne peut pas inventer les solutions depuis Paris pour les calquer dans les territoires, dans toute leur diversité. Nous avons donc travaillé pendant six mois sur une méthodologie.

Concrètement, il s’agit de déployer dans les services ce que l’on appelle des « points cinq minutes » autour de quatre thèmes. À savoir la sé curité des salariés, l’insatisfaction des patients et leur satisfaction — car quand c’est bien, il faut le dire aux équipes — avec des verbatim et l’identification des causes de cette évaluation, les problématiques matérielles, d’équipements ou « irritants du quotidien » (ex. chariot cassé, connexion internet défaillante sur un ordinateur, etc.) et pour finir, l’organisation et le planning de l’équipe. Tous les matins, le manager dans une unité de soins réunit son équipe autour de différents tableaux de suivi pendant quelques minutes. Par exemple, y-a-t-il eu un incident ou accident hier dans le service ? Que s’est-il passé ? Quelqu’un se charge du problème et de sa résolution. On ne repose pas la question sur cet évènement tous les jours mais quand c’est traité on renseigne l’évolution réalisée et on passe à ; une autre problématique concrète, en parallèle des sujets en cours de résolution.
Pour chacune des thématiques, il y a des supports et un système de suivi standards mais les indicateurs sont choisis par l’équipe.

H. : Où en êtes-vous à ce jour du déploiement de cette démarche ?
T.C. : Après l’enquête en avril dernier, nous avons travaillé sur les outils, les tableaux, entre septembre et fin novembre. Nous avons ensuite mobilisé durant un mois et demi deux établissements pilotes, avec des résultats extrêmement prometteurs, l’Hôpital privé d’Eure-et-Loire à Mainvilliers près de Chartres (Eure-et-Loir) et l’Hôpital Privé Guillaume de Varye à Saint- Douchard, près de Bourges (Cher). L’expérimentation est terminée, le bilan réalisé et nous partons maintenant en déploiement
sur les sites. Les trois prochains établissements concernés, qui vont bénéficier d’un accompagnement managérial, sont la Clinique de l’Archette à Olivet, près d’Orléans (Loiret ), la Clinique des Grainetières à Saint-Amand-Montrond (Cher) et la Clinique Saint-François à Châteauroux (Indre). Ce déploiement se poursuivra sur d’autres établissements tout au long de 2020. L’objectif est d’avoir finalisé l’implantation de la démarche et de l’avoir rodée à l’horizon de l’été 2021.

H. : Quels sont les bénéfices attendus au niveau des établissements et du siège ?
T. C. : Pour les managers dans les unités, c’est très positif car cela montre qu’ils écoutent leurs équipes, qu’ils règlent les problèmes ensemble, cela crée du lien. Le temps matinal à consacrer aux tableaux de suivi retenu, quelques minutes, est volontairement court. L’activité hospitalière est très opérationnelle, il faut que la démarche perdure et qu’elle ne soit pas vue comme chronophage. Il faut s’astreindre à aller à l’essentiel et de ne pas chercher à traiter tous les problèmes de la clinique ou de l’hôpital privé d’un coup. Déjà, arriver à traiter un problème par jour, c’est formidable. Au bout d’une année, cela fait près de 300 problèmes traités par service ! Quand vous avez une quinzaine de services dans l’établissements, vous imaginez le chemin qui peut être parcouru sur la durée.

Les directions des structures pourront suivre le nombre de problèmes traités pour voir si le dispositif vit bien dans un service. Au niveau du siège, ça ne nous intéresse pas vraiment de savoir qu’il y a un problème de lit dans la chambre 204 à Chartres. Nous ne cherchons surtout pas à mettre tout cela sur un ordinateur mais surtout à garder des tableaux de suivi physiquement affichés dans les salles des staffs. Il s’agit d’un management visuel. Déjà, les équipes tournent dans la journée. Les personnels verront les problèmes en cours plus facilement par cet affichage que d’aller rechercher les informations dans des fichiers spécifiques sur les ordinateurs. Une deuxième chose que nous ne voulons pas, c’est d’en faire ensuite des « grands programmes », depuis le siège. C’est tout l’inverse, j’insiste, nous voulons que ce soit participatif, une démarche d e terrain, de progrès continu. Elle est complémentaire de la partie évaluation de la qualité et des systèmes classiques de surveillance des évènements indésirables
graves.

H. : Elsan dispose également désormais d’une conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement (CME). Sur quels enjeux travaille cette instance ?
T. C. : La conférence s’est réunie pour la deuxième fois fin novembre 2019. Son président, le Dr Olivier Jourdain, a pu à cette occasion évoquer plusieurs faits marquants, comme la création d’une charte de gouvernance, signée entre directeurs et CME dans une clinique, ou encore le développement d’outils d’aide aux praticiens. Des axes de travail ont été définis pour 2020 et seront approfondis. Ils s’orientent autour de l’amélioration des conditions d’exercice, l’élaboration des projets médicaux ou encore l’utilisation des outils numériques. Ces travaux traduisent la volonté forte d’Elsan de continuer à d&eacu te;velopper les relations avec la communauté de 6 500 médecins et de médicaliser sa gouvernance, en impliquant toujours davantage ces médecins, à l’échelle du groupe et des établissements ».

Propos recueillis par Caroline Cordier


Cécile Draunet – Responsable communication – ELSAN