CA-PORTRAITS-2019-LESBANDITS-HD-9161

Alexia Cassar est la créatrice de The Tétons Tattoo Shop. Son travail et son combat permettent aux femmes de reprendre possession de leur corps et de reconstruire leur estime de soi après une mastectomie. Un travail remarquable, remarqué et reconnu. Oui mais voilà, les réseaux sociaux ne l’entendent pas ainsi. Pour certains, mieux vaut des armes, des morts… qu’un corps nu.

 

« Je viens de sortir de ma prison Facebook il y a quelques jours », explique avec ironie Alexia Cassar fin novembre devant les cinq cents professionnels rassemblés lors de la trentième édition du Festival de la communication en santé. Qu’a donc fait ce dangereux bout de femme, 42 ans, biologiste de formation, qui a travaillé pendant 17 ans en oncologie et qui, suite à un évènement personnel et après deux ans de formation, a changé de voie et est devenue tatoueuse professionnelle de tétons ?

Son crime : montrer la réalité des seins de femmes après une mastectomie liée à un cancer du sein afin de permettre aux patientes de s’informer et de faire leur choix de reconstruction. Un vrai sujet de santé, tant les femmes concernées sont nombreuses et tant l’information et l’offre est en retard en France (lire ci-après).

 

Un tatouage qui aide à la reconquête de l’estime de soi

Avec la création du premier salon The Tétons Tattoo Shop en 2017 à Marly-la-Ville (Val-d’Oise), puis à Nice en 2019, Alexia Cassar propose un lieu 100% dédié au tatouage de reconstruction mammaire. Les femmes qui le désirent peuvent se faire faire un tatouage personnalisé, esthétique et surtout définitif… de leur téton, élément important de leur reconstruction après la maladie et de leur estime de soi. Ce tatouage participe au droit qu’elles ont de tourner une page définitive de cette partie de leur vie. L’idée est belle, l’initiative trouve un très bel écho dans les médias avec près de 350 articles, reportages, interviews… en deux ans.

Mais Alexia est pourtant très vite confrontée à une des absurdités de notre monde digital : la censure, par les réseaux sociaux, des photos et hashtags liés à son activité. « Parfois quelques secondes à peine après la publication d’une vidéo ou d’une photo, soit le post est carrément supprimé par la plateforme, soit le compte est fermé », a très vite constaté Alexia qui se trouve ainsi empêchée de communiquer auprès des patientes qui sont demandeuses d’infos sur les réseaux sociaux, incarnées, plutôt que sur des sites internet. « Sur des réseaux comme Facebook ou Instagram, les images montrant la nudité sont interdites, car elles sont toutes assimilées à des images à connotation sexuelle », explique-t-elle, constatant avec ironie qu’à côté de cela, « les images violentes et ultras violentes sont loin d’être censurées de manière automatique ».

Alexia est également très vite confrontée à la problématique du signalement par des personnes plus ou moins malveillantes. Quand elles sont nombreuses, elles peuvent parvenir à faire suspendre la publication  (jusqu’à 30 jours), voir à faire fermer le compte. « Mes comptes Twitter et Facebook sont signalés comme étant pourvoyeurs de contenus adultes », rapporte-t-elle.

 

Une censure difficile à faire lever

Un simple malentendu pourrait-on penser, facilement résolu en prenant contact avec les plateformes concernées… Pas si simple. La révolution numérique n’a en effet pas éradiqué l’absurde ! « Si mes posts n’ont jamais été censurés sur LinkedIn, explique Alexia Cassar, cela a été et reste plus compliqué avec d’autres plateformes. » À force de volonté, Alexia Cassar a pu être reçue par la direction France d’Instagram de manière confidentielle. Elle a pu leur expliquer sa situation et argumenté sur l’importance pour les femmes atteintes de cancer d’avoir facilement accès à de l’information sur les réseaux sociaux qui leur permettent de faire des choix essentiels pour la reconstruction de leur vie après l’ablation de leur sein. « Depuis, mon compte est protégé par l’équipe d’Instagram qui pratique une vraie bienveillance », souligne-t-elle. En revanche, Facebook n’a jamais répondu aux sollicitations d’Alexia pour remédier à ces problèmes. Et Alexia Cassar subit toujours la censure de certains hashtags liés à son activité, parfois de manière totalement aberrante : par exemple, le hashtag de Marly-la-Ville, où elle habite et a créé son premier salon, a été signalé comme du contenu sensible !

 

A la recherche de solutions définitives

« Je suis toujours à la recherche de solutions pour résoudre les problèmes de censure persistants… si quelqu’un en connaît, je suis preneuse de ses conseils ! », conclut Alexia. Le sujet serait presque comique tant il est absurde. Mais après deux ans d’activité, la plaisanterie ne fait plus rire. Elle oblige Alexia Cassar à y consacrer un temps et une énergie qu’elle ne peut pas employer à accompagner des patientes dans leur reconstruction physique et psychologique…

 

Renaud Degas – La Veille