A l’annonce d’une maladie grave, plusieurs changements s’opèrent :

  • Le rapport au temps,
  • Le rapport au sens,
  • Le rapport aux projets.

Maladie et rapport au temps

Il change immédiatement après l’annonce. Le temps futur n’existe plus, on vit au jour le jour. Le temps présent prend donc pleinement sa part et bien plus qu’auparavant. D’un seul coup, on se rend compte que le monde va à toute allure. On a juste envie d’arrêter le temps et d’être là, ici et maintenant.

Les projets futurs n’ont plus de sens, peut-être n’aura-t-on pas le temps de les réaliser. Aussi chaque projet est analysé. S’il semble futile, le projet est simplement annulé et si, au contraire, il fait vibrer, rêver et est réalisable, le projet est priorisé et doit être réalisé « quand c’est encore possible ». On n’a plus le temps d’attendre !

Maladie et rapport au sens de la vie

Autant répondre à la question du sens de la vie est compliqué quand on est en pleine forme, autant quand la maladie grave arrive, le patient garde en tête uniquement les projets qui ont un sens et abandonne immédiatement ceux qui n’en ont pas.

Pour donner un exemple, à la question « pourquoi suis-je malade alors que j’ai une vie extrêmement saine ? », mon oncologue m’avait répondu : « la pollution, y avez-vous pensé ? Si ça se trouve, votre cancer est dû à la pollution ». A l’écoute de ces mots, étant alors Directrice Marketing et Communication d’une entreprise de puériculture dont 80% des produits sont réalisés en Chine, importés en Europe pour repartir en Asie, je me suis trouvée totalement déstabilisée.  Ma réflexion fut alors : « ce que je fais n’a aucun sens ! ».

Maladie et rapport aux projets 

Difficile pendant la maladie d’avoir des projets à long terme. En revanche, comme il n’y a plus de temps à perdre, le projet pensé est lancé immédiatement. On n’a plus cette notion de risque, plus le temps d’hésiter. Autant essayer !

Finalement, avec la maladie, on devient plus efficace et absolument résilient.

Qu’est-ce que la résilience ?

La résilience est la capacité d’un individu à rebondir, accepter le traumatisme et le dépasser.

Selon Boris Cyrulnik, « le fonctionnement de la résilience se décompose en deux temps :

  • 1er temps : le temps du traumatisme : la personne (adulte ou enfant) résiste à la désorganisation psychique en mettant en place des mécanismes de défense qui vont lui permettre de s’adapter à la réalité.
  • 2ème temps : le temps de l’intégration du choc et de la réparation. Après l’effraction du traumatisme, il y a un rétablissement progressif des liens, puis une reconstruction à partir de l’adversité. Cela passe par la nécessité de donner un sens à sa blessure. L’évolution de ce processus tend vers la résilience quand la personne a retrouvé sa capacité d’espérer. Elle peut alors s’inscrire dans un projet de vie et avoir des choix personnels. »

De beaux projets nés de l’expérience de la maladie

Beaucoup de projets issus de la maladie ont un sens et sont généralement tournés vers les autres pour écouter, partager, aider, contribuer ou faciliter.

Généralement, le besoin de sens l’emporte sur toute autre réflexion (la viabilité économique…).

Dans les services

Wecare@work fondée par Anne-Sophie Tuszynski, ancienne malade du cancer, qui propose une offre de conseils et de services aux entreprises pour concilier maladie et travail.

Même chose pour Entreprise & Cancer, fondée par Nathalie Vallet-Renart

Quand on sait que le cancer touche plus d’un million de personnes en activité professionnelle, l’idée de se pencher sur la problématique emploi et salarié en traitement est forcément bonne !

Pendant son parcours de soins contre un cancer, Séverine Martin a rencontré des personnes qui avaient elles aussi connu la maladie et pour autant avaient lancé leur entreprise ou projet. Ces rencontres l’ont aidée dans son parcours de soin, elle y voyait un nouveau visage de la maladie. Aussi Séverine décide de lancer le salon des Kfighteuses pour mettre en lumière les initiatives de femmes qui se sont lancées après la maladie. Le salon des Kfighteuses se déroule au centre Léon Bérard et regroupe des sociétés de toute la France ; un salon soutenu par divers laboratoires et porté par le Centre Léon Bérard.  

Dans les produits

Connaître des traitements longs permet d’analyser ce qui manque et d’imaginer ce qui pourrait exister. En voici quelques beaux exemples.

Suite à un cancer du sein, Angélique Lecomte doit se confronter à la douloureuse expérience de l’ablation d’un sein. Elle prend la décision, dès l’annonce de son cancer, de se faire reconstruire. Seulement la reconstruction immédiate est impossible et elle doit vivre plusieurs mois sans reconstruction. Au bout d’une période, elle s’accepte comme elle est et décide d’aider les femmes qui prennent la même décision à l’assumer tout en restant féminines. Aussi Angélique crée les Monocyclettes, une gamme de sous-vêtements pour les Amazones et plus largement une gamme de vêtements asymétriques.

Vanessa Malet, infirmière touchée par une maladie chronique qui la handicape et l’empêche d’exercer son métier, crée Mon carré doux ; un carré pour rendre la vie avec une chambre implantable (dispositif de perfusion implanté dans le thorax) moins douloureuse.

Son accessoire s’accroche à la ceinture de sécurité et se glisse partout. Par cette initiative, Vanessa Malet démontre que le handicap n’est pas une barrière infranchissable à la réalisation de belles choses.

C’est également une expérience de maladie qui a conduit à la création de RUE DU COLIBRI. Moi, Angeline Ribadeau-Dumas, une de ses cofondatrices, ai difficilement supporté le fait de devoir me déshabiller continuellement. Aussi, ai-je eu l’idée d’une gamme de vêtements pratiques, confortables et élégants pour permettre aux patients de garder leur intimité, retrouver leur sérénité en diminuant leur charge mentale, et préserver leur chaleur. J’ai en effet pu mesurer combien, pendant les soins, une goutte de confort est ressentie comme un océan de bien-être.

Il y a bien sûr des milliers d’autres initiatives que nous pourrions citer. Nous voulons toutes les saluer et montrer combien il est indispensable de les encourager, les faire connaitre et les soutenir pour le bien des patients … et des soignants.

 

Angeline Ribadeau-Dumas
Dirigeante associée chez Rue du Colibri