Luc LAURENTIN
Président de Syntec Etudes
Senior Vice-Président BVA-Group
Avec la précieuse contribution d’Odile Peixoto, Healthcare Director BVA
Quelle est pour vous la définition d’éthique dans la santé ?
Pour être « éthique », le secteur ne fera pas l’économie d’aller vers une redéfinition de ce qu’est l’humain, compte tenu de tout ce qui peut se faire aujourd’hui en biotechnologie.
A titre d’exemple, les Chinois travaillent sur la modification du génome afin que tous les enfants aient à terme un QI de 140, ce qui peut faire frémir.
Donc « éthique et santé » vont obligatoirement devoir être traités au niveau planétaire.
Nous sommes dorénavant co-partenaires du monde et on ne va pas pouvoir laisser faire des recherches tous azimuts, de la même manière qu’on ne peut détruire le sol, gaspiller l’eau etc …
On ne peut ignorer le champ de l’approche narrative de l’éthique.
Pendant très longtemps on a considéré que la bio-éthique était la responsabilité des médecins.
Aujourd’hui la médecine va être de plus en plus confiée à la machine « approche technitique » et il va falloir remettre quelques règles.
Il y a une sorte de paradoxe d’ailleurs entre l’éthique innée des soignants liée au serment d’Hippocrate et la sophistication des traitements aujourd’hui.
Quitte à nous répéter, si l’on prend comme postula que l’éthique passe par le respect du corps, du vivant et du vivre ensemble, il faut remettre l’expérience du patient, de ce qu’il vit, au premier plan afin de lui permettre de verbaliser tout ce qu’il ressent.
La solution passera-t-elle par un retour de la notion de médecin empathique dans la relation avec son patient ?
Dernier aspect, le risque d’inégalité compte tenu du « post humain » qui se profile.
Le rêve de la « jeunesse éternelle » qui conduit à l’investissement de milliards pour développer des « super technologies » qui ne pourront pas être accessibles à tous est un vrai sujet d’éthique et induit le risque d’une ‘santé sur mesure’ en fonction de son compte bancaire et ce n’est pas un leurre.
Donc la marchandisation de la santé est hors champ de l’éthique.
Nous revenons ici au premier point de cette note, la nécessaire « redéfinition de l’humain » car personne ne peut être propriétaire de la santé tout comme du respect de la vie et du vivant.
La médecine va pouvoir façonner l’homme, donc la définition et les règles du post humain qui renvoient à la définition du vivre ensemble, sont essentielles.
Quelle est pour vous la définition de l’éthique dans la communication en santé ?
Si l’on veut respecter « les fourches caudines » du réglementaire, parlons plutôt d’information médicale plutôt que de communication.
Tout d’abord, l’éthique est d’abord « inside » pour les produits, compte tenu des AMM qui posent des règles d’utilité et de performance de ceux-ci.
Aujourd’hui, beaucoup de ‘récits’ se basent sur les ‘études de vraie vie’ qui permettent de ‘raconter l’histoire, de faire un récit’ de manière parfois embellie, ce qui n’est pas forcément très éthique puisque l’on peut ne pas parler des indicateurs ou marqueurs qui ne vont pas dans le bon sens.
L’éthique de la communication santé serait d’être très sélectif sur la réelle efficacité, utilité, ou les bonnes pratiques d’utilisation des médicaments, mais aussi d’être plus dans la prévention, l’éducation thérapeutique, soit apprendre au patient à mieux gérer son corps, mieux respecter le vivant, l’harmonisation des liens sociaux, alors que le marché reste encore plus dans l’incitation à la consommation. Pousser les médecins à prescrire des « boites », les pharmaciens à en vendre et les patients à en consommer, sur le plan éthique, n’est pas exemplaire. Heureusement le nouveau courant de ‘service en santé’ sur les malades chroniques, montre un tournant positif tendant à favoriser la transformation de la prise en main en santé, qui induit un passage du patient d’un côté consommateur de médicaments, donc coûts pour la société, à une rive de contributeur (respect du corps et du vivant, harmonisation des liens sociaux pour une vraie vie, versus une vie au rabais) pour profiter de sa liberté d’être et nous retombons sur les valeurs abordées au début de cette interview, redéfinition de ce qu’est l’humain, le respect du corps, l’homme contributeur du monde.
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