Loin de l’image des anciennes pharmacies qui ont été le lieu destiné à l’entreposage et à la dispensation de médicaments, les pharmacies contemporaines proposent désormais des cosmétiques, de la parapharmacie, de la diététique… en plus des médicaments. Mais en Espagne, ces pharmacies avec leurs pharmaciens sont allés plus loin grâce à leurs présences sur les réseaux sociaux d’excellence: Instagram, Facebook et Twitter et certains sont devenus de véritables influenceurs. Ces nouveaux pharmaciens 2.0 offrent des conseils, clarifient les doutes, présentent des nouveautés… à travers les réseaux sociaux, élargissant leur rôle de pharmacien au-delà du comptoir.
Ces nouveaux influenceurs espagnols, majoritairement des femmes, vont plus loin que les typiques influenceurs lifestyle. Elles parlent avec connaissance, avec un minimum de 5 ans d’études et un bagage de conseillers dans leurs pharmacies. Elles sont plus précises et plus complètes dans leur langage grâce aux acquis scientifiques obtenus pendant leurs études mais sans oublier la vulgarisation de leurs mots. En étant dans l’ère des Fake News, le mot de l’expert semble être beaucoup plus crédible et apprécié par le grand public. Une des pharmaciennes les plus suivies en Espagne est Marián García @boticariagarcia avec 110k d’abonnés. Ce chiffre peut sembler infime comparé aux macro-influenceuses lifestyle-beauté françaises comme @enjoyphoenix avec 4,7M d’abonnés ou @sananas2106 avec 2,1M d’abonnés sur Instagram. Mais Marián présente une force, son background: elle est docteur en pharmacie, diplômé en nutrition humaine et en optique. Elle a abandonné le comptoir pour se consacrer à l’enseignement universitaire à l’Université d’Isabel I de Burgos et comme divulgatrice dans les médias espagnols (Radio National Española, La 2, le 20minutos) et les réseaux sociaux. Grâce à son travail acharné, son blog est devenu une institution avec plus de deux millions de visites par mois et elle a publié trois livres avec l’objectif d’informer, donner des conseils et de démentir les Fake News dans le domaine de la santé avec une touche humoristique.
Figure 1. Post Instagram de @boticariagarcia sur la controverse de l’article de l’OCU (Organización de Consumidores y Usuarios) sur l’efficacité de la protection des crèmes solaires infantiles Isdin et Babaria.
D’autres, comme Paula Fernández @farmaadicta pharmacienne à Gelida avec 13k d’abonnés, ont décidé d’éclairer le grand public d’une façon différente. Paula a choisi l’infographie. « Chaque jour, je suis plus convaincue de l’importance de la communication visuelle dans la pharmacie » déclare-t-elle. Elle utilise ses infographies pour informer sur les différentes maladies et les différents produits (médicaments, compléments alimentaires, cosmétiques…) à travers son Instagram. « Ce qui a commencé comme un hobby est devenu une façon d’informer le patient et mes équipes dans la pharmacie, en priorité au comptoir et par la suite sur les réseaux sociaux » affirme Paula Fernández.
Figure 2. Post Instagram de @farmaadicta sur la sclérose en plaques
Ces pharmaciens 2.0 espagnols peuvent parler avec beaucoup de professionnalisme du rétinol de la peau, des superaliments ou des ingrédients du shampoing idéal… Mais leur expertise ne s’arrête pas à la dermocosmétique et à l’alimentation. Ils informent aussi sur la composition de certains médicaments et leur utilisation. « Quand je parle des médicaments sur mes réseaux sociaux, mon objectif est l’amélioration de l’observance du traitement pris par mes followers » souligne Irene González @boticonsejos. Celle-ci est pharmacienne à Murcia, elle a une page Instagram avec 15k d’abonnés. Comme Paula Fernández, elle informe sur la santé en format infographie mais aussi en GIF et en complément, elle a un blog où elle délivre encore plus d’informations. « Ce qui m’a motivé à faire cela, c’est aider les gens à disposer d’une source fiable et de référence pour la recherche d’informations sur la santé. Moi-même cela m’a aidé à approfondir mes connaissances et améliorer mon travail pendant la délivrance de médicaments à mes patients » déclare-t-elle. Comme l’assure Irene González, l’objectif de ces pharmaciens est d’informer les patients en leur permettant de suivre leur traitement de la meilleure façon possible pour pouvoir bénéficier pleinement de celui-ci tout en limitant les risques.
Figure 3. Post Instagram de @boticonsejos sur l’importance de prévenir son médecin si on est allergique à un antibiotique.
Pourtant, certains de ces nouveaux pharmaciens ne s’arrêtent pas là. Cette présence dans les réseaux sociaux peut aussi avoir un aspect purement business. Il faut savoir que l’Espagne est le pays avec le plus de pharmacies par habitant des pays de l’OCDE1 et que 40% des pharmaciens tiennent leur propre pharmacie2. Pour acquérir des compétences business, une plateforme de formation en ligne pour les pharmaciens (FarmaSchool) est apparue, combinant des cours gratuits et payants, ainsi que des cours en streaming, des webinaires, des posdcasts et des formations en présentiel sur des thématiques gestion, coaching, marketing digital et réseaux sociaux. Entre les cours on y trouve pour exemple: comment faire de la publicité (efficace) sur Facebook et Instagram, comment tirer le meilleur parti d’instastories pour votre pharmacie… permettant à ces pharmaciens d’avoir les clés d’Instagram et Facebook. Mais cet aspect business peut se faire au détriment de la bonne volonté de certains influenceurs et même de la crédibilité de ceux-ci. Comme pour les autres types d’influenceurs on commence à retrouver un manque de confiance ainsi qu’une baisse du nombre de leurs abonnés. La question se pose : ces pharmaciens 2.0 vont-ils tomber dans la tentation de l’argent facile et perdre de leur crédibilité ou vont-ils rester dans leurs responsabilités éthiques dans l’information, le conseil et l’écoute de leur patient?
Cel Areny Navés – Etudiante en MBA Communication & Santé à l’EFAP