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Face au virus COVID-19, une ligne téléphonique d’orientation à destination des patients chroniques étend la notion de « counselling » dans un contexte d’épidémie et met en avant une collaboration inédite entre soignants et patients partenaires.

Mars 2020. Face à la crise sanitaire inédite liée au COVID-19, la France se confine, à l’instar de la moitié de l’humanité. Devant la menace épidémique, tout le monde s’organise : télétravail, apéros Skype et gestes barrières font désormais partie intégrante de la vie des Français sur un fond très anxiogène, comme sorti d’une mauvaise dystopie, d’hôpitaux surchargés et de soignants à bout. Un peu partout, des initiatives publiques et privées voient le jour, basées sur l’entraide et la solidarité. La Ligne C est une ligne téléphonique créée par un collectif de patients et de soignants. Montée en une dizaine de jours et rassemblant une cinquantaine de bénévoles, elle offre conseil et orientation à toutes les personnes ayant une maladie chronique et se posant des questions sur le COVID-19. Son succès pose la question du suivi des soins pour les malades chroniques dans un contexte de tension et met en avant l’approche du counselling, ainsi qu’une collaboration inédite entre patients partenaires et soignants.



		
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En France, 15 millions de malades chroniques

En France, on estime à 15 millions le nombre de personnes vivant avec une pathologie chronique. Ces pathologies sont très diverses (par exemple diabète, cancer, insuffisance rénale, VIH, pathologies cardiovasculaires, pathologies psychiatriques, asthme, sclérose en plaques ou encore des maladies rares comme la mucoviscidose…), mais ont pour point commun d’avoir des répercussions majeures dans la vie des patients. En effet, selon l’OMS, la chronicité d’une pathologie « bouleverse tout, de l’état de santé à la qualité de vie, des amitiés à la vie familiale, des loisirs à la vie professionnelle. Leur point commun est qu’elles retentissent systématiquement sur les dimensions sociale, psychologique et économique de la vie du malade » (OMS, 2005, p. 15).

Les malades chroniques sont considérés comme fragiles, car outre leur pathologie qui peut être un facteur de risque, ils doivent de plus pouvoir compter sur une continuité de soins efficiente, ce qui n’est pas le cas dans le contexte que nous vivons actuellement. En effet, certaines régions souffrent – cabinets fermés, médecins débordés, hôpitaux surchargés –, tandis que d’autres voient au contraire leur activité diminuer drastiquement, mettant en exergue la peur du virus d’une partie de la population… Difficile dans ces conditions pour ces « fragiles » de s’y retrouver. « Comment bien suivre mon traitement ? », « Avec ma maladie, suis-je plus à risque que le reste de la population ? » « Mon médecin traitant ne me répond pas, que dois-je faire ? ». Les doutes et les questionnements sont nombreux, sur une toile de fond délétère d’isolement et de confinement.



		
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La Ligne C, une ligne d’écoute et d’orientation sur la base du counselling

Alerté par les associations, les patients partenaires et des professionnels de santé sur les besoins des patients chroniques, un collectif de patients et de soignants a mis en place la Ligne C. Elle répond à trois objectifs :

  • Apporter des éléments d’information et d’orientation sur le COVID-19 aux patients ayant une maladie chronique
  • Rassurer des patients confinés, qui sont noyés sous des informations contradictoires ou qui au contraire n’ont pas accès à l’information
  • Limiter l’engorgement du système de soins et des lignes téléphoniques d’urgence (15, urgences des hôpitaux, secrétariats médicaux).

La Ligne C n’est donc en aucun cas une consultation médicale et ne s’y substitue pas. Son but est d’apporter chaleur et bienveillance, sur la base du counselling. Cette approche thérapeutique, née au début du xxe siècle aux Etats-Unis, favorise une approche empathique et non directive du patient pour l’aider à mieux vivre son quotidien.

Pour l’heure, une cinquantaine de bénévoles, patients partenaires formés à l’écoute et au conseil, sont sur le pont, encadrés par une équipe médicale, des psychologues, un assistant social. Un patient-partenaire est un patient guéri et/ou stabilisé, qui fait le lien entre les personnes en parcours de maladie et les équipes soignantes, au sein d’hôpitaux et d’associations. Le patient-partenaire est donc un médiateur de santé. Cette fonction basée sur l’expérience – qu’on appelle aussi expertise patient, pair-aidance, médiation santé – est en train de se professionnaliser, avec plusieurs diplômes universitaires en cours et de plus en plus de postes à pourvoir.

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Une collaboration inédite patient-partenaire/soignants

A situation inédite, collaboration inédite. En créant la Ligne C, les patients partenaires ont pris les choses en main, en devenant les acteurs d’un vaste réseau d’entraide. Le contexte rappelle ce qui a pu se passer avec le virus du SIDA dans les années 90, quand les malades se sont constitués en association d’aides, luttant sur un pied d’égalité avec les soignants contre la maladie. Le savoir expérientiel que le patient-partenaire a tiré de sa maladie – vécu du traitement, adaptation de la vie familiale, professionnelle et sociale, questionnements pratiques – associé aux connaissances des professionnels, est une réelle innovation dans le champs de la santé. En passant outre l’intimidation de la « blouse blanche », les malades chroniques pourraient se livrer plus spontanément à un interlocuteur qui a une connaissance empirique de la souffrance. En quelque sorte, la « révolution patients » est en marche, et une initiative collaborative comme la Ligne C, qui peut recevoir une cinquantaine d’appels par jour, est en un exemple. Parce que les fragiles, en contexte de crise, peuvent aussi s’avérer être des forces vives…

Caroline Bee et Docteur Patrick Papazian