Dr Jacques LUCAS
Président – Agence du Numérique en Santé
Pendant la pandémie quelle a été la place de la confiance dans la communication ?
La réponse à cette question suppose quelques développements, car le sujet est très contrasté et qu’il y a beaucoup d’enseignements à tirer de cette crise sanitaire.
La multiplicité des sources de communication dans cette situation de crise a été assez vite un facteur de méfiance des gens face à des informations qui ont foisonnées et qui parfois se contredisaient assez radicalement. Certaines personnes ont même choisi de ne se fier qu’à une seule source, devant ainsi des prosélytes d’une cause. C’est très étonnant de voir que des croyances se sont parfois substituées à la réalité des faits.
En ce qui concerne les professionnels de santé, le Code de la santé publique portant sur leurs déontologies leur enjoint de ne diffuser dans l’espace public que les données acquises de la science. Mais que faire lorsqu’il faut faire place à l’incertitude ? Face à l’incertitude, l’enseignement à tirer de la crise est de rester modeste et de le dire. Cela a été la ligne de conduite de la communication gouvernementale, au risque de déplaire à l’opinion publique lorsque des décisions sanitaires contraignantes ont dues être prises, à partir de l’observation quotidienne d’indicateurs et des avis scientifiques émis. Le principe de prudence doit être rappelé en matière de communication en période de crise. La communication en santé est un exercice délicat. Car lorsqu’elle s’adresse à toute la population, elle touche évidemment des personnes malades et leurs proches qui, étant particulièrement préoccupés voir inquiets, interprètent les informations diffusées.
La prudence des propos envers ces personnes est d’ordre éthique et relève de la bienfaisance que commande l’humanisme de la communication en santé, afin de ne pas la confondre avec le marketing commercial. Les enquêtes d’opinions placent la santé comme l’une des priorités des citoyens. Comme nous vivons aujourd’hui dans une société où la transparence absolue est érigée en vertu, une communication permanente est avidement recherchée, quand bien même les informations ainsi véhiculées seraient encore incertaines, voire fausses, car non vérifiées.
Les médias audiovisuels d’information continue recherchent ainsi des « révélations permanentes » pour « fidéliser » leur public, non sans objectif d’acquérir des parts du marché publicitaire. De la même façon, les rumeurs animent et se succèdent sur les réseaux sociaux en y laissant foisonner des avis personnels souvent péremptoires plus que des informations étayées par des faits objectifs et des données scientifiques.
C’est dans ce contexte compliqué que la pandémie de la Covid-19 a fait surgir très vite une anxiété majeure dans notre société de l’information et de la communication continue. D’autant plus que la répétition des mêmes informations pouvait faire penser que l’Apocalypse était en train d’advenir. Devant toutes les incertitudes, devant les mystères entourant l’agent causal et ses mutations, sur la façon dont il est arrivé à contaminer les humains, sur son mode de transmission comme de ses effets pathogènes graves ou bénins, sur les approches thérapeutiques, sur la communication régulière des hospitalisations et admissions en réanimation ainsi que des décès … chacun a pu y aller de ses opinions, avis et analyses, en dépit de la communication officielle des instances scientifiques et académiques. Certains médecins ou autres professionnels de santé ont pu contribuer, parfois inconsciemment ou avec les meilleures intentions du monde, à l’instauration croissante d’une défiance sur ce que les ondes et les réseaux exprimaient. Particulièrement lorsque leurs propos se sont trouvés infirmés par l’évolution de la situation ou le caractère illusoire de propositions thérapeutique trop hâtives devant l’inconnu. L’irrationnel a même pu trouver sa place devant l’inflation d’informations contradictoires exprimées par ceux-là même qui en participant aux débats publics oubliaient qu’ils n’étaient pas dans la configuration d’échanges d’arguments propres au débat scientifique. La forme polémique que cela a même pu prendre a été totalement inappropriée, car troublant profondément la population avec ces joutes oratoires.
Comment développer cette confiance pour les années à venir ?
Il faudra d’abord restaurer la confiance en tenant compte objectivement des enseignements tirés de la gestion médiatique de la crise sanitaire, comme je viens de le dire.
Il faut instaurer une culture populaire de santé publique en utilisant tous les vecteurs de la communication publique comme privée.
Ce sera sur les bases d’une vulgarisation de qualité des connaissances scientifiques et des marges d’incertitudes que le confiance reviendra alors qu’elle est aujourd’hui écornée.
Il conviendrait de surcroit, à mon avis, que les autorités régulatrices du monde sanitaire comme celui de la communication y réfléchissent et se coordonnent afin d’émettre des recommandations publiques en matière de communication en santé, sans négliger aucun principe du Droit, et les fassent respecter.
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