Convaincu de la pertinence de sa prise en charge par dialyse longue nocturne, Fabrice Huré en a fait un film qu’il projette de salle en salle, d’association en hôpital pour inciter praticiens et directions d’établissements de soins à développer cette offre sur le territoire français qui change la vie des jeunes dialysés. La preuve, il s’est remis à faire du sport à haute dose et il a pu rester actif. Reste à convaincre les hautes instances… Et là une vidéo peut ne pas suffire. Retour sur l’intervention remarquée de Fabrice Huré lors du dernier Festival de la communication Santé.

Ça marche pour lui et il veut le faire savoir. Pourtant, rien n’avait vraiment bien commencé. Fabrice Huré, à peine 20 ans, a été détecté en insuffisance rénale en 1997. Deux ans plus tard, la situation se dégrade et passe au stade terminal d’insuffisance rénale. Sa vie bascule alors dans un quotidien partagé entre dialyses et attente d’une greffe. Problème, il fait un rejet. Mais tout change quand, en 2002, Fabrice découvre en Bretagne l’offre de dialyse longue nocturne. Un vrai tournant dans sa vie.

« Je suis un patient privilégié »

Il se dit d’ailleurs être un patient à part : « Je suis un patient privilégié et non représentatif. Je suis jeune alors que la moyenne d’âge d’un dialysé est de 71 ans ; je suis salarié à temps plein alors que seulement 17% des dialysés sont en situation d’emploi » (voir les chiffres clés ci-après). En plus de pouvoir avoir une vie professionnelle normale, il se lance dans un défi personnel qui le verra faire en 2008 un ultra-trail à la Réunion, une course de 67 kms et de 4000 m de dénivelé sur des sentiers de montagne. La première. Puis, en mai 2016, au lendemain de ses 40 ans, Fabrice tombe sur une tribune publiée dans le journal Le Monde dont le titre le choc : « La dialyse est une prison, allégeons nos peines ».

Il décide alors de prendre son bâton de pèlerin et de témoigner de l’efficacité d’une offre de soins très peu développée en France (voir les chiffres clés) et qui pourtant permet aux patients de rester actifs au sein de la société. Résultat, il se lance dans la création, avec le réalisateur Cyril Portanelli, du documentaire « La montagne dans le sang ». Il raconte l’histoire de la préparation et de la participation à l’ultra-trail Bourbon, course de 112 kms cette fois, mais toujours à la Réunion.

Passage à l’acte

Ce projet sert de point d’ancrage à une véritable démarche de sensibilisation des patients comme des équipes soignantes à la dialyse longue nocturne. Fabrice quitte son travail en 2018 pour s’y concentrer entièrement. À défaut de réseau de distribution du film, il sillonne la France pour animer des soirées-débats autour de la projection du documentaire et de son témoignage. À ce jour, il en est à plus de 35 projections, dont 2 lors des congrès de néphrologie et une à l’agence de biomédecine, avec des milliers de spectateurs.

Surtout, alors que le nombre de centres proposant de la dialyse longue nocturne n’étaient que deux en Bretagne en 2008, ils vont être sept en 2020. Sans compter les projets en cours à Clermont-Ferrand, Saint-Malo, Avranches, Caen, Laval, Orléans, en Occitanie. « Les témoignages qui me reviennent après les projections vont dans le même sens, témoigne Fabrice Huré : le film permet de fédérer l’équipe soignante qui se dit, “ce n’est plus le moment d’hésiter, il faut y aller et proposer cette offre qui change la vie de nos patients” ».

Reste que cette offre ne semble pas pouvoir se développer partout, faute d’une politique de prise en charge suffisante via le forfait dialyse qui est plutôt orienté à la baisse. La bataille institutionnelle ne fait que commencer. La force du témoignage suffira-t-elle à faire bouger les lignes ?

Quelques chiffres clés

  • 48 000 dialysés en France
  • 71 ans, âge moyen des dialysés en France
  • 17 %, la part des dialysés en situation d’emploi
  • 250 patients bénéficient de la dialyse longue nocturne.

Renaud Degas – La Veille