Parmi les grands enseignements de la crise sanitaire du COVID-19, la réorganisation du parcours de soins et le développement du virage ambulatoire apparaissent aujourd’hui et plus que jamais comme des réformes nécessaires et urgentes de notre système de santé.

Le désengorgement des hôpitaux pendant cette crise a été permis notamment grâce à la prise en charge des patients COVID+ sortant de l’hôpital par des établissements d’hospitalisation à domicile (HAD) et par les prestataires de santé à domicile (PSAD), comme décrit dans un article publié dans la revue numérique ActuSoins. Ce relais de l’hôpital vers le domicile par des équipes soignantes performantes et expérimentées a été possible parce que ces structures existent depuis de nombreuses années et prennent en charge chaque jour des milliers de patients à leur domicile pour des pathologies parfois lourdes ou complexes.

Pourtant, si elles sont :

  • largement plébiscitées par les patients qui en bénéficient,
  • d’un intérêt médical et psycho-social reconnu par les médecins généralistes,
  • avec un coût inférieur à une hospitalisation dite « classique » qui en font un recours intéressant à l’hôpital du point de vue des dépenses de santé, les HAD restent néanmoins très peu développées en France.

En cause, tout d’abord une méconnaissance de cette option thérapeutique par le grand public, mais aussi par les médecins de ville, comme en atteste un sondage conduit par Viavoice. Deux Plans Santé (Plan Hôpital 2007 et Ma Santé 2022) lui ont consacré une place prioritaire et ont annoncé la volonté politique de développer les alternatives à l’hôpital. Malgré ces efforts et ces impulsions gouvernementales, la transition hôpital-ville peine à se généraliser et reste un potentiel thérapeutique sous-utilisé.

Le virage ambulatoire, notion phare du plan Ma Santé 2022

Le plan Ma Santé 2022, mis en place par le Ministère de la Santé et des Solidarités, annonce comme but principal de garantir une offre de soin de qualité à tous les Français, quelle que soit leur situation sociale et géographique. Pour cela, ce programme ambitieux entend aboutir à une meilleure organisation des soins au bénéfice des patients, mais également des professionnels de santé.

Les nombreuses mesures proposées par ce plan ont pour but notamment de réduire la perte de chance associée à l’isolation sociale ou géographique dont souffrent de nombreux Français. Cette perte de chance se traduit de façon directe chez ces populations en allongement de la durée de la maladie, diminution de la qualité de vie, voire en réduction de la survie de ces patients.

La prise en charge à domicile semble être un levier qui permettrait d’agir à différents niveaux sur cette perte de chance, source d’injustice sanitaire.

Savez vous comment et dans quel cas vous pouvez bénéficier d’une hospitalisation à domicile ? Connaissez-vous la nature des actes qui peuvent être pris en charge à votre domicile, et dans quelles circonstances ?

Près de 50% des Français ignorent qu’ils peuvent être pris en charge à leur domicile pour des soins palliatifs, et plus de 70% d’entre eux pour une chimiothérapie. (source : Sondage FNEHAD_Viavoice)

Qu’est-ce que l’Hospitalisation à Domicile ?

L’HAD assure des soins complexes et spécifiques, qui ne pourraient être autrement dispensés qu’à l’hôpital. Une hospitalisation à domicile doit être prescrite par le médecin traitant, un médecin hospitalier, ou par le médecin coordonateur de l’HAD.

Avec 300 structures en France (métropolitaine et Outre-Mer), les établissements d’HAD couvrent l’ensemble du territoire et ont notamment pour vocation de rendre accessible l’hospitalisation à des personnes vivant éloignées de leur hôpital de rattachement. En restant chez eux, les patients évitent ainsi des transports parfois longs dans des conditions souvent pénibles en raison de leurs pathologies. Ils bénéficient également de l’environnement rassurant de leur domicile.

L’HAD a pris un essor considérable à partir de 2006 avec le Plan Solidarité Grand Age 2007-2012, qui a conduit à une augmentation conséquente à la fois du nombre d’HAD sur le territoire mais aussi des capacités d’accueil par HAD, d’après un rapport de la DREES.

L’Hospitalisation à domicile en quelques chiffres

Pour être hospitalisé à domicile, trois conditions doivent être réunies :

  • Le patient ainsi que ses proches doivent donner leur accord,
  • La situation clinique du patient lui permet d’être hospitalisé à domicile,
  • Le domicile (ou lieu de vie) du patient permet l’installation du matériel nécessaire à son hospitalisation.

Cette volonté publique de développer l’HAD a été impulsée sur les territoires par les ARS, véritables clés de voûte de l’activité de ces établissements de soins.

L’ARS Grand Est a ainsi lancé en 2017 un audit sur 4 établissements hospitaliers, visant à estimer la « pertinence » des journées d’hospitalisation, dans le but de favoriser le développement de l’activité ambulatoire.

D’après les résultats de cette enquête, sur les 4 établissements concernés, les problèmes « liés à l’aval » (accès aux soins de suite et réadaptation, recours à l’hospitalisation à domicile, retour domicile), constituent 28% des maintiens en hospitalisations de patients cliniquement stables pour la sortie.

Au delà du confort apporté au patient, le recours à l’activité ambulatoire représente donc un fort levier de désengorgement des hôpitaux.

 

Une grande disparité régionale

Les HAD fonctionnent selon un mode territorial, en raison des besoins différents d’une région à l’autre. Ceci leur permet d’agir de façon relativement autonome, mais surtout de fonctionner de la façon la plus adaptée aux infrastructures locales de soins.

Ainsi, certaines HAD sont issues de structures associatives existantes, elles-mêmes nées d’un besoin local. Sous l’impulsion de l’ARS concernée, ces structures associatives ont évolué en établissement d’HAD et ont élargi leur offre de services. C’est par exemple le cas de l’HAD Relais-santé de Brive la Gaillarde, née en 2006 de l’association Oncorese suite aux recommandations de l’ARS Nouvelle-Aquitaine.

Ceci engendre néanmoins d’énormes disparités entre les différentes HAD en termes de communication : si certaines disposent d’un site internet complet, riche et informatif (telle que l’HAD-Relais Santé de Brive-La-Gaillarde, mentionnée précédemment), d’autres au contraire ne possèdent pas de site internet propre, ou mentionnent uniquement les coordonnées de la structure sans explication sur les modalités de prise en charge, ni sur le déroulement de l’hospitalisation.

Une harmonisation des sites internet, ou le cas échéant un cahier  des charges faisant mention des informations importantes à faire figurer sur le site de chaque HAD contribuerait à une plus grande égalité d’accès à l’information sur ce mode de prise en charge sur tout le territoire.

 

La Fédération Nationale des Etablissements d’Hospitalisation à Domicile (FNEHAD), principal représentant des HAD

Principal organisme fédérateur des HAD, la FNEHAD assure un rôle très actif

  • d’information grand public à travers son site internet,
  • de relais institutionnel par sa présence auprès de chaque Agence Régionale de Santé (ARS).

Pour Elisabeth Hubert, sa présidente, « L’hospitalisation à domicile est ( ) un exemple symptomatique de solutions éprouvées et pourtant dont l’usage est trop négligé. L’offre de soins existante depuis de nombreuses années, présente sur tout le territoire, répond pleinement aux difficultés actuelles que traverse notre système de santé. Bénéficiant chaque année à de plus en plus de patients, atteints de maladies de plus en plus lourdes, justifiant des soins de plus en plus techniques et complexes… l’hospitalisation à domicile demeure encore méconnue».

La FNEHAD montre donc une très forte volonté de visibilité et d’expansion, et joue un rôle puissant de communication publique, médicale et institutionnelle. Elle agit tout d’abord au niveau institutionnel en publiant de nombreuses propositions organisationnelles ainsi qu’un baromètre annuel d’activité et des sondages de perception. Elle est également représentée dans les comités consultatifs des ARS à travers sa participation permanente aux Conférences Régionales de la Santé et de l’Autonomie (CRSA). Ceci lui assure une visibilité permanente auprès des pouvoirs publics, et une place d’acteur incontournable de l’offre de soins.

Afin de mieux faire connaître l’HAD auprès du grand public et des professionnels de santé, la FNEHAD publie régulièrement des communiqués de presse ainsi que des lettres d’information sur son site internet, qui contient de nombreuses sources d’informations pertinentes et richement documentées. La FNEHAD a mené par ailleurs des campagnes de communication « santé publique » dont l’une – « Regards croisés sur l’hospitalisation à domicile » – a été lauréate du Festival de la Communication Santé en 2016.

 

D’autres actions de communication ont participé à enrichir la notoriété de l’HAD, notamment la réalisation d’un film de type « spot » d’une minute – « L’hospitalisation à domicile, l’hôpital partout où vous êtes » – visible sur Youtube depuis le 20 mai 2019 et visionné près de 900 fois à ce jour.

Enfin, un concours vidéo initié par la FNEHAD et destiné à faire connaître et valoriser ses activités a été présenté lors de la 19ème journée nationale de l’hospitalisation à domicile en 2015. Ce concours a récompensé la HAD de la Clinique Pasteur de Toulouse pour sa vidéo à la fois instructive et esthétique. Cette vidéo a par la suite été diffusée sur le site de la FNEHAD et a été vue près de 4000 fois jusqu’à présent.

Ces initiatives nombreuses et audacieuses ont sans aucun doute participé à obtenir un recours plus important à l’HAD ces dernières années et expliquent sûrement en partie l’essor considérable de ces établissements au cours des dix dernières années.

L’hospitalisation à domicile reste néanmoins encore trop peu connue des patients. Le contexte sanitaire est aujourd’hui en pleine reconstruction. L’enjeu considérable des pouvoirs publics est désormais de mettre en place un système de soins capable d’absorber les changements sociologiques importants que nous rencontrons aujourd’hui : population vieillissante, augmentation du nombre de maladies chroniques et augmentation du nombre de patients polypathologiques.

Cette reconstruction de notre système de santé devra mettre non plus l’hôpital mais le domicile au cœur du parcours de soins. « Donnons un coup d’accélérateur ! », demande Elisabeth Hubert : « Les établissements d’HAD y sont prêts. Il faut simplement que les actes suivent les discours ».

Ceci nécessitera également une plus grande cohésion entre les différents acteurs de la santé à domicile, et notamment entre les HAD et les Prestataires de Santé à Domicile (PSAD) avec leurs 2000 sites répartis sur tout le territoire, ainsi que les acteurs des Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), autres acteurs indispensables de cette chaîne de soins auprès des patients.

Zahra HASSANI, Etudiante en Communication & Santé (EFAP)


Références :

(1) Article ActuSoins

(2) Sondage FNEHAD_Viavoice

(3) Ma Santé 2022

(4) Rapport d’activité HAD 2018-2019

(5) Rapport de la DREES : 10 ans d’hospitalisation à domicile

(6) ARS Grand Est_Restitution-des-audits-sur-la-pertinence-des-journees-dhospitalisation

(7) HAD-Relais Santé Brive La Gaillarde

(8) https://www.fnehad.fr/