Cédric ARCOS
Maitre de conférence en politiques de santé à Science Po Paris
Pendant la pandémie quelle a été la place de la confiance dans la communication ?
La confiance et la défiance ont été, par bien des égards, des notions au cœur de la crise sanitaire que notre pays a traversée.
Depuis Keynes, nous savons que la confiance est un élément central pour la croissance économique et que sans confiance point d’investissement et donc point d’avenir. Avec cette pandémie, nous avons découvert que, de la même manière, la confiance était un paramètre essentiel pour le bon fonctionnement de notre système de santé et de solidarité et pour son avenir. Tout au long de cette crise, la parole publique et la parole scientifique ont ainsi été discutées, avec parfois le meilleur, lorsque ces discussions ont permis d’engager des réflexions de fond sur la place de l’hopital dans notre pays ou encore de réfléchir aux moyens de lutter plus efficacement contre les inégalités de santé. Mais aussi, parfois, pour le pire, lorsque la discussion a laissé place au doute, à la polémique et à la contestation systématique de la science comme fondement des décisions publiques.
Ainsi, cette crise nous rappelle que la confiance ne se décrète pas mais qu’elle nécessite d’être construite patiemment et d’être entretenue chaque jour. La communication joue à cet égard un rôle majeur afin de créer entre les citoyens et leurs institutions un lien de confiance basé sur la transparence des décisions prises, sur la pédagogie autour des données scientifiques mais aussi en permettant une évaluation des actions mises en œuvre. Au fond, c’est à une réflexion de fond sur nos moyens et méthodes de communication à même de mieux répondre au défi de la complexité de notre monde auquel nous invite cette pandémie.
Comment développer cette confiance pour les années à venir ?
Puisque la confiance ne se décrète pas mais se construit, trois priorités me semblent devoir être identifiées.
- La première est le renforcement de la transparence des décisions et des débats publics en matière de santé. Les hypothèses scientifiques, les données sur lesquelles se construisent les décisions politiques doivent davantage être rendues publiques et débattues en transparence et en confiance. Pendant ces longs mois de crise sanitaire, les Français ont montré leur maturité et leur responsabilité, dès lors que leur sont présentées les options en présence, le fondement des décisions, et que les doutes qui subsistent soient eux aussi partagés.
- La seconde priorité me semble être le renforcement de l’autonomie des acteurs comme de la proximité dans les prises de décisions. Pendant la crise, si nos hôpitaux ont réussi à tenir, c’est aussi parce qu’ils ont gagné en autonomie, en responsabilité, avec des décisions prises au plus près du terrain. Cette logique de confiance et de subsidiarité doit perdurer tandis que la proximité doit également s’exprimer à l’échelle des territoires, dont le rôle dans l’amélioration de la santé de nos concitoyens est majeur.
- Enfin, le dernier chantier prioritaire, peut-être le plus complexe, est celui de l’animation au quotidien du lien de confiance entre les citoyens et leurs institutions. A cet égard, un élan nouveau en faveur de la démocratie sanitaire doit être initié, afin que les citoyens et les patients se sentent davantage informés, responsabilisés et associés aux décisions prises. Après la crise, il est donc urgent de construire une nouvelle parole collective qui complètera celle des experts et permettra aux patients comme aux citoyens d’exprimer leurs attentes et leurs visions. Demain, la démocratie sanitaire doit être un effort collectif, exercé au plus près des territoires, seule condition pour nous permettre d’aborder en confiance l’avenir de notre système de santé.
Pour voir toutes les paroles d’experts, cliquez ici