Catherine CERISEY

Ancienne patiente et blogueuse, administratrice de plusieurs associations dans le champ des maladies chroniques, enseignante de la perspective patient auprès d’internes en médecine générale à l’université de Bobigny (Paris XIII)

Pendant la pandémie quelle a été la place de la confiance dans la communication ?

Le grand public a une vision très succincte de la science et particulièrement de la médecine. Peu de professionnels de santé acceptent de dire « je ne sais pas ». En conséquence, les personnes peu habituées à l’indécision médicale ne sont pas prêtes à accepter l’incertitude.
Les balbutiements des scientifiques et des politiques peuvent s’expliquer par la méconnaissance de la maladie. Finalement ils ne savaient pas, mais n’ont pas su ou pas voulu le dire. Les médias ont invité des « experts », parfois sans expertise, qui envahissaient les lieux et polluaient les foyers de certitudes
souvent opposées. De quoi semer une grande confusion dans les esprits !
La rapidité de propagation des fake news via les réseaux sociaux a largement contribué à cette cacophonie et aucune réponse n’a pu être donnée.

D’autre part l’émergence de la COVID 19, virus jusqu’alors inconnu, me fait penser aux années SIDA ; durant cette période, nous avons bien vu à quel point les patients ont été importants dans la compréhension de la maladie. Or nous n’avons pas vu de représentants de patients chroniques sur les plateaux TV. Ces patients ont par exemple l’expérience de la solitude, du confinement, de l’incertitude, de l’anxiété etc …. générés par la crise et les associations ont l’expertise et auraient pu proposer des solutions.

Enfin, l’arrêt brutal des soins, des dépistages ont laissé cette population à l’abandon, dans le désarroi le plus total et les conséquences et pertes de chance ont été et seront dramatiques. Les scientifiques prévoient de nombreux décès dans les années à venir, notamment en cancérologie. Les écouter aurait été preuve que la démocratie en santé, (qui je le rappelle, a été initiée il y a bientôt 20 ans, par la loi fondatrice du 04 Mars 2002 ! ) , fait partie intégrante des politiques de santé. Ca n’a malheureusement pas été le cas, en tout cas au début de la pandémie. Tout ceci cumulé a largement participé à la baisse de confiance dans une communication de crise.

Comment développer cette confiance pour les années à venir ?

Cela ne vous étonnera pas mais pour moi rétablir la confiance passe par un lourd travail de toutes les parties y compris évidemment les représentants des patients.
On ne peut plus continuer à accepter une communication verticale des « sachants » vers « les ignorants » à savoir, le reste de la population.
Pour lutter contre les fake news qui pullulent sur la toile, il faut non pas réguler mais répondre avec les mêmes armes que les complotistes : rapidité de la riposte, démonter point par point et de façon intelligible et didactique les infox. Malheureusement la réponse politique est lente et ne correspond pas à la fulgurance des réseaux sociaux. La réponse passe aussi par l’éducation : enseigner dès le plus jeune âge comment se servir d’internet, (rechercher l’auteur, recouper les informations, chercher les sources etc…. ). Au-delà d’internet, l’éducation en santé me semble être le parent pauvre de l’enseignement actuel de nos enfants. Savoir
comment se construit la science, la recherche, quelles sont les preuves scientifiques acceptables etc… Il faut aussi leur apprendre à écouter les petits warnings qui s’allument lorsqu’une information vous dérange, faire confiance à son intuition et développer leur sens critique.
Et puis il faut accepter que nous n’aurons pas la confiance de tous. Il faut cibler les personnes qui doutent, les convaincus sont perdus. On le voit avec les antivax.
Lorsque vous cherchez quelque chose vous allez forcément vers ceux qui disent ce que vous avez envie d’entendre. En politique par exemple, si vous votez à droite, vous n’irez pas acheter l’Huma. Les gens sont paresseux, ils ne vont pas chercher au-delà de ce qu’on leur propose. Cela vaut pour les
médias traditionnels comme pour internet ou les algorithmes des moteurs de recherche vous cantonnent dans un entre-soi extrêmement délétère.
C’est ce qu’on appelle le biais de confirmation et c’est un problème difficile à régler car il est simplement humain.

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