La prise en compte de l’expérience patient, c’est-à-dire des différentes dimensions de la vie du patient avec sa maladie et son traitement, est un déterminant essentiel de la qualité du parcours de soins et s’inscrit aujourd’hui au cœur des réflexions et des préoccupations de l’ensemble des acteurs de la chaîne de soins. Pendant le Festival de la Communication Santé du 28 novembre dernier, lors d’ateliers dédiés, KPL a souhaité prendre la parole sur le sujet et établir par une approche quantitative et qualitative. L’expérience patient est-elle la prochaine innovation thérapeutique ?

Recherche d’innovation : pourquoi le Big Data et le data crunching sont-ils devenus clés dans le parcours de soins ?

Avec la loi GHT (Groupement Hospitalier de Territoire), les établissements hospitaliers font face à un réel changement dans l’organisation des parcours de soins de leurs patients. Aujourd’hui, le data crunching, traitement de grandes quantités de données et d’informations (Big Data) devrait nous permettre de suivre et d’évaluer les stratégies mises en place par les établissements.

Comment peut-on modéliser le parcours de soins ?

Lors de sa première entrée à l’hôpital, chaque patient se voit attribuer un code identifiant anonymisé, différent de celui de la sécurité sociale, permettant une traçabilité de son parcours de soins, tout au long de sa vie. Pour l’hôpital, ces informations sont colligées dans une base appelée PMSI (Programme de Médicalisation des Systèmes d’information). On recense aujourd’hui dans cette base presque la totalité de la population française, 30 000 références OMS qui codifient les pathologies, 800 actes spécifiques, plus de 4 000 références de médicaments et dispositifs médicaux (inclus dans les listes T2A) et environ 4 000 établissements hospitaliers en France métropolitaine et d’Outre-mer. Ce sont ces données qui vont nous permettre de modéliser les parcours de soins.

Que peut-on observer en modélisant les parcours de soins ?

L’analyse au niveau national n’apportera que des informations de masse, c’est en étudiant les données au niveau régional, voire au sein des 138 GHT présents en France, que nous pourrons faire émerger les différences dans les parcours de soins qui s’expliquent souvent par la diversité des acteurs de la prise en charge, des compétences, la nature des établissements hospitaliers (privés, publics, CHU/CH, centres anti-cancéreux…), la structure de l’équipe professionnelle (présence d’infirmières de coordination par exemple) et l’offre de soins variable selon les établissements. L’ensemble de ces facteurs, de par leur différence, aura un impact au niveau des durées d’hospitalisation, des fréquences de retour à l’hôpital, des passages aux urgences, des résultats de diagnostics et des médianes de survie.

Les choix d’organisation des parcours de soins impactent-ils le patient ?

Oui, la preuve par l’exemple :

Dans le cancer du pancréas, nous avons comparé la médiane de survie au niveau national versus celle au sein d’un centre de référence. Au moment de l’étude, la moyenne était de 6 mois au niveau national tandis qu’elle était de 13 mois pour le centre de référence. Cette même comparaison a été réalisée entre les départements français. Le constat est flagrant : si certains départements enregistrent une médiane de survie pouvant aller jusqu’à 7 mois, pour d’autres elle n’est que de 3 mois. Ces disparités ont été analysées plus finement de manière à comprendre les causes et mettre en place des stratégies d’accompagnement des centres.

Si l’on prend un autre exemple : une analyse matricielle a été réalisée sur une série d’éléments du parcours de soins des pieds du diabétique. Dans les variables analysées, l’accès à une consultation multidisciplinaire où le patient était intégré a été isolé et l’impact sur la rechute et le coût de prise en charge mesurés. Dans les centres où les consultations étaient multidisciplinaires et le patient impliqué dans les décisions, les taux de rechutes étaient de 3,6% et le coût moyen de prise en charge de 2 300 euros versus 23% et 4 000 euros dans les centres organisés de manière différente.

Finalement, la question du choix d’organisation de l’établissement est essentielle dans l’optimisation de la prise en charge du patient. Une organisation équilibrée entre l’ensemble des soignants et le patient serait la clé pour assurer un parcours de soins efficace.

 

Patient acteur, patient client : les nouvelles attentes thérapeutiques et non cliniques

Depuis les années 50, le système de soins évolue ainsi que la place du patient au sein de celui-ci. Du mode paternaliste où le patient était assujetti, nous sommes aujourd’hui dans un mode plus collaboratif où le patient, acteur de ses soins, devient partenaire de l’équipe soignante. Un patient reconnu, depuis la loi de 2002 sur la démocratie sanitaire, comme « expert-sachant ».

Que veut dire «devenir malade» ? 

C’est d’abord pour la personne concernée quitter le monde des bien-portants et adopter une nouvelle identité : « l’identité de malade » qui va fluctuer en fonction de l’évolution de la maladie et de ce que l’on appelle en anthropologie « l’itinéraire thérapeutique ». L’itinéraire thérapeutique c’est le parcours de soins du patient intégrant tous les moyens mis en place par le patient lui-même pour améliorer sa maladie. Il n’est plus seulement un malade dans un parcours de soin, mais un acteur de la gestion du parcours de soins dans son quotidien.

 

Quels impacts sur l’écosystème familial ?

L’intégration de la maladie et du traitement par le patient dans son quotidien va avoir un réel impact sur l’écosystème familial. En effet, certains patients vont changer leurs habitudes alimentaires ou l’organisation de leur espace de vie, ce qui impactera l’ensemble du foyer. D’autres, bénéficiant d’une prise en charge ambulatoire vont amener les soins à domicile. Tous ces changements vont donner au conjoint ou à l’enfant une place dans l’itinéraire thérapeutique du patient, celui « d’aidant ». Il possédera alors un « savoir d’expérience » sur le patient, c’est-à-dire qu’il saura des choses sur le patient que le patient lui-même aura oublié et qui pourra aider dans la gestion du parcours de soins. Au-delà du patient, c’est donc toute la famille proche qui vit et interagit avec la maladie.


Quel rôle pour le patient dans le parcours de soins ?

Le patient tend de plus en plus à être autonome dans la gestion de sa maladie. Tantôt acteur de par ses décisions, tantôt client de par ses droits, il peut aussi s’investir en tant « qu’expert-sachant », avoir des devoirs sociaux et notamment envers les autres malades, c’est-à-dire transmettre ses connaissances, participer aux stratégies de lutte contre sa maladie (essais thérapeutiques, comités de réflexion, commissions…). Etant donné la multiplicité des parcours de soins, il est donc intéressant d’étudier les expériences patients afin de les intégrer dans l’amélioration des parcours de soins.

Si les patients sont aujourd’hui partie prenante dans la recherche, ils ne le sont certainement pas suffisamment dans l’amélioration des soins. Cette évolution du statut patient nécessiterait un partage du savoir expérientiel passant par une écoute active et attentive mais surtout une sémantique commune entre le soignant et le patient. Si l’on arrivait à formaliser l’information, on pourrait alors parler de l’expérience patient comme une réelle innovation thérapeutique.

 

Contact KPL :

Pierre-Louis Prost
Directeur associé
pierre-louis.prost@kpl-paris.com
01 82 73 19 41
Karin Gerin
Directrice Stratégique
karin.gerin@kpl-paris.com
06 07 03 57 32