Pauline d'ORGEVAL

co-fondatrice de deuxiemeavis.fr
et de l’association Coactis Santé (SanteBD et HandiConnect)

Quelle est pour vous la définition d’éthique dans la santé ?

La constitution de l’OMS s’ouvre en ces termes : « La possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ». Ce préalable est la pierre angulaire de l’éthique médicale. Une santé éthique, c’est une santé qui permet l’accès aux soins pour tous, dans des conditions optimales de prise en charge médicale, sans discrimination aucune. Et cela passe par le respect de notions fondamentales :

  • L’éthique par le juste soin

L’enjeu de la prise en charge en santé ne peut se résumer en l’exécution d’un geste médical. Elle doit apporter des réponses respectueuses des êtres humains accompagnés en s’adaptant à chaque situation de vie, en ajustant le raisonnement clinique à la vulnérabilité de chacun. L’éthique par le juste soin, c’est poser systématiquement la question du sens dans l’acte médical en faisant preuve d’une créativité empathique. Pourquoi opérer une personne avec un handicap moteur si l’opération n’apporte pas une amélioration de la condition physique et psychique, un vrai confort et l’autonomie souhaitée ?

 

  • L’éthique par la décision partagée 

Les malades d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier. On parle de Patient-éclairé, de Patient-connecté. Une bonne prise en charge doit naître d’une alliance thérapeutique, combinaison de deux savoirs : celui du professionnel de santé qui détient la connaissance du diagnostic et du soin, et celui du malade qui connaît son corps, son mode de vie, sa volonté de suivre le traitement. Qui mieux qu’une personne atteinte d’une pathologie chronique peut connaître ses signaux d’alerte, sa tolérance au traitement, ses attentes ?

 

  • L’éthique par la démocratie sanitaire

Pour certaines personnes, se faire soigner est un véritable parcours du combattant. Pourquoi l’accès aux soins est-il si compliqué ? Tout simplement parce que rien n’est pensé par et pour les personnes malades. La démocratie sanitaire doit commencer par la participation des malades à l’élaboration et à la mise en œuvre des décisions de santé.

C’est le cas pour les personnes qui vivent dans des déserts médicaux et qui n’ont souvent pas accès aux soins, même de premier recours. La compensation peut être la délégation de tâches, la téléconsultation, la e-santé…

C’est le cas également pour les personnes qui n’ont pas de réseau médical pour éclairer leurs décisions de santé et pour les orienter dans le parcours de soins. La compensation peut être la transparence et la lisibilité de l’offre de soins pour tous, la facilitation de l’accès à un deuxième avis médical pour les pathologies qui le requièrent…

Et que dire des personnes en situation de handicap, population déjà fragilisée, qui souvent renoncent purement et simplement aux soins ? Pour les personnes avec autisme ou déficience intellectuelle, la compensation peut être de limiter l’attente avant les consultations, d’utiliser des outils de communication adaptés comme santéBD pour préparer la consultation, et tout simplement de prendre le temps de s’adresser au patient lui-même, avec des mots simples et adaptés, non pas à son aidant. Pour les personnes avec un handicap moteur, l’accessibilité aux locaux doit évidemment être généralisée, tout comme les équipements médicaux adaptés et la formation ou a minima la sensibilisation des professionnels de santé. Imaginons une femme en fauteuil roulant, comment peut-elle être examinée par un gynécologue sans équipement adéquat (notamment une araignée de transfert et un fauteuil qui s’abaisse) et sans que le professionnel qui l’ausculte n’ait eu un minimum de formation préalable ?

Les exemples peuvent être multipliés et nous amènent à un constat sévère : les personnes en situation de handicap pourtant nombreux (entre 5,5 et 7,5 millions de personnes concernées par un handicap sensoriel, 2,3 millions par un handicap moteur et 700 000 personnes atteintes de déficience intellectuelle) sont moins bien soignées que les autres. Ne pas faire de l’accessibilité une priorité induit une inégalité majeure : l’espérance de vie des personnes en situation de handicap est de 20 ans inférieure à celle des personnes dites valides. Cette situation ne peut perdurer. C’est un enjeu capital de santé publique et d’éthique.

 

Quelle est pour vous la définition de l’éthique dans la communication en santé ?

De la première prise de contact au suivi au long cours, en passant par l’annonce du diagnostic et le choix du traitement, la question de l’éthique dans la communication santé se révèle fondamentale au même titre que la qualité du geste de soin. Une communication éthique est en premier lieu celle qui délivre une information compréhensible pour tous, car cela ne va pas de soi. Le jargon médical est perçu comme difficilement intelligible pour beaucoup de personnes malades. Une étude publiée en 2011 dans The Journal of General Internal Medicine démontre que 25 % des Américains ne comprennent pas ce que dit leur médecin. Le praticien ne doit pas hésiter à répéter l’information, en utilisant un vocabulaire simple, voire à la mettre par écrit sous forme de compte-rendu ou de notice explicative. Le Conseil de l’Europe souligne « le droit des patients et des citoyens à recevoir et à avoir facilement accès à une information pertinente au sujet de leur santé et des soins de santé les concernant sous une forme et dans une langue compréhensible par eux », et ce quel que soit leur degré d’autonomie, leur niveau de compréhension et leur implication. Au-delà des mots, il y a la communication non-verbale. Elle ne peut pas être descendante, elle ne peut pas être celle d’un sachant vers un patient qui ne saurait être qu’observant. Une attitude de disponibilité, d’écoute, d’ouverture, d’empathie, facilite la confiance du patient. Et un patient qui met les mots justes sur ses symptômes confère la garantie d’un diagnostic et d’un suivi du traitement réussi. En bref, une communication éthique, c’est un dialogue ouvert, clair et intelligible entre le savoir du soignant et l’expérience du soigné, quel que soit son niveau de compréhension.

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