Marie-Eve LAPORTE
Maîtresse de Conférences en sciences de gestion et co-directrice du MBA Marketing et Communication Santé à l’IAE Paris
Sorbonne Business School, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Pendant la pandémie quelle a été la place de la confiance dans la communication ?
La pandémie a mis en exergue le rôle clé de la confiance dans la communication, mais aussi sa complexité, notamment en situation de crise. Ainsi, il a d’abord fallu convaincre la population d’adopter des comportements de protection restreignant leurs libertés. Comme au début de la pandémie, les Français ne prenaient pas la maladie au sérieux, tout a reposé sur la communication pour que la population perçoive le risque et accepte de se protéger par le confinement. La communication publique a alors appliqué la théorie de la motivation à se protéger développée par Rogers et Maddux. Il s’agit de diffuser un message négatif faisant percevoir un risque (« la Covid est une maladie contagieuse qui peut tous nous toucher » – probabilité d’occurrence perçue – « et elle peut conduire en réanimation et tuer » – sévérité perçue), assorti d’un message positif de solution face à ce risque (« le confinement nous permettra collectivement de sortir de la vague épidémique » – efficacité perçue de la solution – « et nous mettrons en place des politiques publiques pour aider chacun à le respecter » – auto-efficacité perçue), pour motiver le public à adopter cette solution (ici, le confinement).
À court terme, cela a fonctionné, en témoigne le respect du premier confinement. Sauf que la crise s’est prolongée. La solution est à son tour apparue comme une menace (risques économiques et psycho-sociaux du confinement), nécessitant de nouvelles solutions, et ainsi de suite depuis un an et demi. Les incertitudes et controverses – scientifiques, économiques, sociales – se sont exposées au grand jour. Un doute s’est immiscé, laissant place chez certains à de la colère, voire de la défiance lorsque la communication était interprétée comme de la manipulation ou de l’amateurisme. La longueur de la crise et les ajustements requis dans la communication ont donc ébranlé la confiance.
Comment développer cette confiance pour les années à venir ?
La confiance ne se décrète pas, elle se nourrit. On est plus incité à accorder sa confiance (qui suppose, étymologiquement, de se fier à l’autre) quand on a l’impression que cet autre nous inclut et est dans le partage. On attend alors une certaine réciprocité, une confiance en retour. Cela a pu faire défaut pendant la pandémie. Ce serait là une première voie, manifester sa confiance en l’autre pour mériter en retour sa confiance.
Mais à mon sens, la crise de confiance actuelle va au-delà de la communication, elle est ontologique. Avec la pandémie, c’est la vulnérabilité de l’être humain qui s’est rappelée à nous. Une seconde voie pour restaurer la confiance – en l’autre, en l’avenir, en l’humanité – serait donc de communiquer dans la reliance, expression de Bolle de Bal chère à Edgar Morin, c’est-à-dire la conscience que les individus sont reliés les uns aux autres dans une communauté de destin. Cela passe par une acceptation de notre mortalité. Or, la crise a montré de façon criante combien la mort est devenue taboue en France, même parmi les soignants. Comme le dit le premier axiome de Watzlawick bien connu des communicants, « on ne peut pas ne pas communiquer ». Donc exclure la mort du champ de la communication revient à exacerber la peur, ce qui ne contribue pas à la confiance.
Pour voir toutes les paroles d’experts, cliquez ici