En quelques années, la relation patient-médecin s’est totalement métamorphosée. Pendant longtemps, la relation patient-médecin reposait sur une approche paternaliste où le savoir était détenu par le médecin et le patient était passif de sa santé. Ces dernières décennies, les patients ont été confrontés à différents scandales sanitaires, tel que l’affaire du sang contaminé (1980-1990), l’affaire Mediator de Servier (2007) ou encore plus récemment l’affaire Levothyrox de Merck (2017). Ils ont appris à se réunir en comité, à se renseigner et à se former au point d’être devenus « autonomes », capables de prendre leurs propres décisions pour leur santé ; l’empowerment du patient (1).

Aujourd’hui, la relation patient-médecin cherche à développer une participation des patients. Cette dernière est graduelle, elle va de la demande d’informations à l’empowerment. Tous les patients ne réagissent pas de la même façon face à leur maladie. Certains ne souhaitent pas, par exemple, participer aux décisions médicales (1). D’autres ressentent le besoin d’être impliqués au point d’être intégrés dans l’équipe de soins et même devenir « patients experts ». Avant cette reconnaissance ultime, un long processus est nécessaire.

La notion d’empowerment

L’empowerment est une notion récente apparue au début du XXème siècle qui place le patient comme un acteur à part entière de l’équipe de soins (2). Dès 1986 l’OMS promeut la santé pour « donner aux individus davantage de maîtrise de leur propre santé et davantage de moyens de l’améliorer » (3). En 2006, l’OMS met en avant l’impact positif de l’empowerment individuel sur la santé et la qualité de vie de patients souffrant de maladies chroniques (4). Il apparaît donc que l’empowerment est une stratégie de santé publique essentielle.

Cette approche a été formalisée par la loi « Kouchner » adoptée en 2002, reconnaissant le rôle central du patient dans son parcours de soin et initie les fondements d’une démocratie sanitaire. Cette loi, donne le droit à tout patient de décider de sa prise en charge médicale, mais également le droit de demander des comptes sur le traitement et les actes médicaux dont il bénéficie (5). Pour un système de santé plus efficient, il semble important de rendre les citoyens autonomes vis-à-vis de leur santé et de développer des soins centrés sur le patient.

Le processus d’empowerment en 4 temps

Avant d’atteindre un empowerment total sur sa santé, le patient curieux et motivé suit en général un processus en 4 phases comme le décrit Mme Marie-Georges Fayn, Fondatrice du site www.reseau-chu.org et Doctorante au sein du Laboratoire Vallorem, (6) :

  • Une phase de prise de conscience: l’acceptation du diagnostic au départ n’est pas toujours évidente. Cette étape passée, le patient s’informe sur sa pathologie, en prend conscience et réalise l’offre de soins limitée qui se présente à lui, obstiné, il approfondit sa quête d’informations.
  • Une phase collective : le patient se rapproche de patients experts et s’engage auprès d’une communauté dans des actions militantes pour défendre sa cause et ses droits tout en continuant de s’informer, mais de façon de plus en plus spécialisée.
  • Une phase scientifique : le patient propose ses services à des expertises médicales, il devient alors patient-ressource et participe à la création du savoir collaboratif.
  • Dernière phase, le temps productif : le patient participe à des expériences qui lui étaient jusque-là refusées, comme la recherche-innovation et le développement de nouveaux produits et services.

De l’empowerment au patient expert.

La notion d’empowerment va donc au-delà du développement de soins centrés sur le patient, où le patient est le centre d’une étude et maintien un rôle passif. L’empowerment amène au développement d’une santé communautaire, où le patient est considéré comme un partenaire qui avance aux côtés de l’équipe de soins. Le patient peut poursuivre un parcours d’auto-management avec l’aide des équipes de soins, jusqu’à atteindre une certaine expertise dans le domaine de sa maladie qu’il pourra partager avec d’autres. Nous arrivons à la notion de «patient expert» (2).

Toutefois, comme nous le rappelle un récent sondage Opinion way (7), publié en novembre 2018 pour la fondation Adrea, nous sommes encore aux prémices de l’approche de la santé par le « patient empowerment ».

La notion de « participation des patients », n’a pas le même sens pour tout le monde

Cette étude confirme le rôle central du patient dans le système de soins : 2/3 des répondants estiment que les patients sont acteurs de leur santé. Ce résultat est à nuancer, seulement 16% l’affirment et seuls 42% des interrogés pensent que le système de santé est pensé pour et avec les patients. L’étude révèle également que la grande majorité des Français ignore leurs droits en matière de santé. Les Français sont contents de l’accompagnement réalisé par les professionnels de santé, mais ils souhaitent une meilleure coordination des soins et une meilleure écoute des professionnels de santé (7)

En effet, comme le précise l’article « L’empowerment des patients : pourquoi et comment.», la notion de « participation des patients », n’a pas le même sens pour tout le monde. Pendant que les patients attendent de leurs praticiens des explications sur le diagnostic et le traitement, les professionnels de santé quant à eux veulent que les patients leur décrivent les symptômes et les informent de l’évolution de la maladie. La notion de « participation des patients », est encore rarement comprise comme un échange interactif où le patient peut donner son avis et participer à la stratégie de sa prise en charge. Cette incompréhension résulterait d’un manque de temps pour les professionnels de santé (2). Certains médecins ont compris l’importance de travailler avec les patients, c’est notamment le cas du Dr Jacques AUGER, médecin de campagne en Charente-Maritime, interrogé par Le Figaro « Après mon installation, j’ai vite découvert que beaucoup de mes patients n’écoutaient pas mes prescriptions diététiques ou ne prenaient pas leurs médicaments, raconte-t-il. En réalité, être bien intentionné et aimable ne suffit pas ; il faut aussi que le message médical soit acceptable ». C’est pourquoi il prend le temps à chaque consultation de reformuler avec le patient ses besoins et d’adapter ses prescriptions au mode de vie du patient. Cette coopération est source de satisfaction pour le médecin qui a ainsi l’impression d’avoir moins d’échecs (8). Cette observation a d’ailleurs été confirmée par des chercheurs américains de l’université de Harvard, ils ont montré dans une étude publiée en 2014, que la qualité de la relation patient-médecin influe directement sur le bénéfice thérapeutique (9).En résumé, la démarche d’inclure le patient dans la prise de décision de son traitement est gratifiante, aussi bien pour le médecin que pour le patient et donne des résultats encourageants.

La participation des patients reste timide

Les Français se sentent bien accompagnés par leurs professionnels de santé (7) et ont pour la plupart un meilleur accès aux informations concernant leurs symptômes, les diagnostics possibles et les soins, il s’agit d’une très grande évolution pour les patients. Toutefois, la participation des patients reste timide, leur implication va rarement jusqu’à l’empowerment. La participation des patients, très présente dans les discours, a encore beaucoup de difficultés à s’imposer dans les pratiques (1). Le gouvernement comme les professionnels de santé ont bien conscience des avantages qu’apportent la «participation des patients» à leur santé, ils sont plus motivés et impliqués. Les patients participatifs sont plus observants, respectent mieux les consignes de traitement et ainsi guérissent mieux ou développent moins d’effets secondaires et coûtent donc moins cher à la société (2 ; 8)

L’empowerment patient doit encore se faire connaître pour s’imposer et va très probablement s’accélérer avec l’arrivée des nouvelles technologies en santé. Dans le plan santé 2022, Mme la ministre Agnès Buzyn soutient les initiatives qui libèrent du temps pour les professionnels de santé pour inciter à davantage de communication entre les patients et les médecins (9).Pour que la notion d’empowerment patient puisse fonctionner sur le long terme, il faut être conscient que cette notion est basée sur un travail collaboratif établi sur une relation de confiance entre le patient et les professionnels de santé. Le médecin restera toujours le référent qui possède le savoir et la pratique et qui aujourd’hui est, plus ou moins, prêt à partager son savoir pour mieux impliquer ses patients dans leurs traitements et ainsi optimiser les chances de guérison.

Anne BOURGÉ, MBA communication & santé EFAP


Références