Comment créer les conditions permettant aux patients de gagner en autonomie ? Ces questions sont abordées dans le film de recherche « Le patient éclairé1 » réalisé par Laura Taubman à l’institut Paoli-Calmettes de Marseille avec le soutien du canceropôle PACA2. Au travers de nombreux témoignages, le film illustre l’importance des relations entre patients et médecins, patients et soignants et patients entre eux pour mieux appréhender la maladie et devenir acteur de son parcours de soins. Dans une médecine de plus en plus pointue et technique, le facteur humain est fondamental pour que le patient comprenne les enjeux. Les équipes médicales ont désormais une vision plus égalitaire du rapport entre patient et médecin, et la différence d’autorité s’amenuise au fur et à mesure que le patient gagne en compétences pour participer aux décisions médicales qui le concernent.

C’est autour de ces notions qu’a eu lieu un débat suite à la projection du film à Nice le 28 février dernier. Animé par Marion Mathieu de l’association Tous Chercheurs,3 il a permis aux professionnels de santé, patients experts et usagers du système de santé d’échanger sur les prérequis à une plus grande autonomie des patients.

Chaque patient est unique, et tous n’ont pas la même attitude vis-à-vis de leur maladie. Certains sont demandeurs d’informations pour comprendre et participer aux décisions, quand d’autres s’en remettent totalement à l’expertise du médecin. Pourtant le nombre de patients passifs est très faible si on prend le temps de leur donner la légitimité d’intervenir témoigne le Dr Jean Michel Benattar, gastro-entérologue et hépatologue : « le temps de la rencontre basé sur l’écoute et la volonté de construire un partenariat avec le patient permet d’établir la confiance avant d’engager les discussions purement médicales ».

L’écoute nécessaire à la relation de confiance médecin-patient

Tous les professionnels attestent du temps médical nécessaire pour établir la relation de qualité préalable à l’implication des patients. Cette gestion du temps est évidemment critique et s’acquière avec l’expérience. Si pendant longtemps l’écoute et l’information du patient n’ont pas été enseignées, les choses changent et les étudiants sont désormais sensibilisés à l’écoute des patients. Ainsi, des patients experts interviennent dans la formation initiale et continue des acteurs de santé. L’université Paris Descartes et l’Université de Nice enseignent également la médecine narrative4 qui contribue à établir une relation médecin-patient de qualité basée sur l’écoute attentive. En invitant le patient à s’exprimer sans l’interrompre : « dites-moi ce que vous pensez que je doive savoir de votre santé », il formule les choses les plus importantes en quelques minutes en début de consultation. Ces techniques s’acquièrent et permettent d’optimiser le temps médical tout en privilégiant l’écoute.

De la confiance à la décision médicale partagée

Sur la base de la relation de confiance, le patient comprend mieux les informations qui lui sont données et peut contribuer en connaissance de cause à l’élaboration d’une décision médicale partagée. Chacun garde son rôle et il ne s’agit pas pour le médecin de se décharger et de laisser le patient porter la responsabilité de la décision médicale. « Le patient a autorité sur ce qu’il veut faire et l’oncologue a autorité sur ce qu’il peut faire » souligne le Dr Jean François Moulin dans le film. Nous sommes là pour accompagner, expliquer et conseiller la meilleure option thérapeutique. Les avantages de cette décision partagée sont nombreux5 : le patient bien informé connait mieux sa maladie et la gère mieux. Ainsi, le risque d’un événement indésirable évitable est moins élevé chez les malades qui participent aux décisions durant leur hospitalisation.

 

Plus d’autonomie grâce à l’éducation thérapeutique

C’est dans cet esprit que sont organisés les programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP). Éric Balez, patient expert des maladies chroniques inflammatoires de l’intestin (MICI) et vice-président de l’association François Aupetit6, témoigne du bénéfice de ces programmes qui permettent au patient de mieux connaitre et contrôler la maladie dans son contexte de vie. Il a ainsi gagné en autonomie et fortement diminué ses séjours hospitaliers depuis qu’il sait repérer les signaux d’alerte et qu’il a appris les gestes adaptés avant que la situation ne s’envenime. Convaincu du bénéfice de l’ETP, il a été à l’initiative du programme mis en place au CHU de Nice pour les MICI dans le service du Pr Hébuterne7

auquel il participe activement. En effet, le partage d’expérience avec des pairs ayant vécu des situations similaires diminue les inquiétudes et hésitations des patients. Le programme rassemble une équipe pluridisciplinaire (médecin, infirmières, pharmaciennes, diététicienne, psychologue, assistante sociale et patients experts) qui accompagne les patients après l’annonce du diagnostic de MICI. Après une première séance individuelle qui permet de comprendre les

besoins spécifiques du patient, il participe à des ateliers de groupe sur les thématiques qui lui sont les plus utiles explique Virginie Cluzeau, infirmière coordinatrice du programme ETP MICI. La première séance est aussi l’occasion de réexpliquer et d’apporter des compléments d’information sur le choix thérapeutique du médecin. Le programme contribue à donner de l’autonomie au patient pour qu’il vive au mieux sa maladie. « L’information au patient est dispensée par toute l’équipe qui parle d’une même voix. Cet accompagnement permet d’apporter des réponses aux questions qu’il peut avoir entre 2 consultations. Le patient étant mieux informé, le temps médical est optimisé » dit le Pr Hébuterne qui y voit un vrai bénéfice.

L’augmentation des maladies chroniques implique de passer d’une médecine de l’aigu à une médecine de l’accompagnement dans laquelle les patients ont un rôle actif à jouer. Comme le dit Sylvia Achin, patiente fil rouge du film : « Je ne veux pas être un malade objet mais un malade sujet qui participe aux décisions et est autorisé à se prendre en charge ». L’ère de la médecine du sachant tout-puissant laisse la place à une médecine participative où le patient demandeur bénéficie d’une « autonomie bienveillante et encadrée ». Ce sont ces mots qui clôturent le film de Laura Taubman qui témoigne d’une réelle évolution des pratiques sur le chemin d’un véritable partenariat patient-professionnels de santé.

Isabelle Pélisson – Etudiante en MBA Communication & santé à l’EFAP

1 : Film « Le Patient éclairé » de Laura Taubman
2 : Canceropôle PACA : https://canceropole-paca.com/
3 : Tous chercheurs : Groupe d’éducation à la Santé Marseille
4 : Goupy & Le Jeunne, dir. (2016). La médecine narrative – Une révolution pédagogique ?
5 : La prise de décision médicale partagée, c’est quoi ?
6 : Association François Aupetit
7 : Hébuterne X, Cluzeau V (2017). Éducation thérapeutique et MICI : où va-t-on ?

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