ENTRETIEN Numéro deux en France de l’hospitalisation privée, Elsan est né de la fusion en 2015 de deux acteurs, Vedici et Vitalia. Thierry Chiche en est le président exécutif depuis bientôt deux ans.
Elsan, qui emploie 25 000 personnes et gère 120 établissements, a réalisé 2 milliards d’euros de chiffre
d’affaires en 2018.
LE FIGARO. – Vous avez été nommé président exécutif d’Elsan fin 2017. Qu’avez-vous changé dans l’organisation de l’entreprise ?
Thierry CHICHE. – Nous sommes en train de rentrer dans la deuxième étape de la transformation du
groupe après une croissance rapide par acquisitions. L’enjeu collectif est de constituer un groupe
robuste, performant, pérenne et de franchir un nouveau palier. Notre raison d’être est d’offrir à
chaque patient des soins de qualité innovants et humains. Avec deux priorités : il faut d’abord garantir de la proximité, les gens se soignant près de chez eux. Nous devons être en mesure de leur proposer
l’ensemble d’un parcours de soins de qualité, de l’imagerie aux soins de suite, dans chaque territoire.
Pour cela, les personnels s oignants doivent apprendre à mieux travailler ensemble et à mutualiser les moyens dans chaque territoire. L’autre priorité consiste à simplifier la vie des soignants comme celle des patients, grâce au digital.
Elsan est passé de 120 établissements à 38 « territoires de soins », d’une logique d’offre à une logique de demande. Comment s’est opérée cette mue ?
Cela peut sembler évident, mais tout passe par les personnes. Nous avons d’abord consolidé les équipes. Nous avons installé un comité exécutif fort, composé de 15 personnes dont onze nouveaux
membres. Nous avons créé une direction médicale solide qui a pour vocation de faire le lien entre
la stratégie et l’exécution avec notre large communauté de 6 500 médecins libéraux. Sur le terrain, des directeurs d’établissement ont ainsi été promus à la tête d’un territoire de plusieurs établissements
pour mener cette transformation. Il n’y a pas de strate interm&e acute;diaire entre eux et le comex d’Elsan.
Nous avons souhaité l’organisation la plus efficace possible grâce à une structure « lean ».
Quelle est leur mission ?
Ils doivent assurer la transversalité des tâches. Pour cela, nous leur avons donné la mission de repartir
de la base, c’est-à-dire les patients, et de repenser des projets médicaux pour le territoire. Il faut
être capable pour chaque patient de bâtir une vraie stratégie thérapeutique, de l’alerter sur les bilans
à faire, de faire les liens entre imagerie et chirurgie… Le digital peut faciliter cette approche globale et de proximité. Les sites Internet de nos établissements ont été repensés pour permettre de prendre les
rendez-vous en ligne, de présenter les médecins avant une consultation… Avec Docaposte, filiale de La Poste, nous avons créé Adel, le premier assistant digital en santé qui tient dans la poche, sur le téléphone, grâce & agrave; une appli.
Comment assurez-vous le lien avec vos directeurs du territoire ?
Quatre directeurs des opérations, qui font partie du comité exécutif, en sont chargés. Ils accompagnent
les projets d’investissement, de recrutement médical… Deux fois par an, nous nous retrouvons tous ensemble pendant une journée pour échanger.
Qu’attendez-vous de vos salariés ?
J’attends d’eux qu’ils s’engagent et prennent des risques pour faire avancer l’entreprise, avec un
droit à l’erreur. Je suis assez déçu lorsque des collaborateurs ne veulent pas donner le meilleur d’eux mêmes. Nous avons lancé fin avril une enquête d’engagement auprès de nos 25 000 salariés dans ce
sens, pour capturer le retour du terrain. C’est une première dans le secteur à cette échelle. Nous
avons obtenu environ 10 000 réponses, au-delà de nos objectifs. Cette enquête a vocation à être reconduite chaque année. Mais, attention, nous ne changerons pas tout en douze mois ! Nous partons de loin. C’est un secteur qui a perdu son énergie vitale sous l’effet de contraintes budgétaires dévastatrice s.
Le climat social s’est dégradé au fil des ans. L’enjeu consiste à redonner sérénité et engagement aux équipes. Peu de métiers sont finalement aussi valorisants. Il faut par ailleurs accepter la complexité technologique et juridique, liée à l’extrême régulation du secteur. L’hôpital public et privé en France a besoin de visibilité sur son financement pour se transformer, c’est ce que nous demandons au gouvernement dès 2020.
Dans le cadre de la réorganisation d’Elsan, pourquoi avoir dissocié les fonctions de président
et de président exécutif ?
Elsan est aujourd’hui un grand groupe qui pèse plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Il
était important de renforcer les pouvoirs de la direction générale pour mener sa transformation.
C’était l’objectif de ma nomination. Il était également crucial de renforcer le conseil d’administration
en faisant rentrer de nouveaux membres comme l’ancien directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) Frédéric Van Roekeghem.
Vous êtes passé du monde de l’industrie – Renault puis Michelin – à celui de la santé. En termes de management des équipes, quelles sont les différences ?
En réalité, il existe de nombreux points communs entre l’entreprise de façon générale et le corps
médical. J’en distingue quatre en particulier : l’esprit de responsabilité, l’engagement total, le travail
en équipe et l’importance de l’exécution. Nous évoluons dans un secteur d’excellence. Cela passe par l’hyperspécialisation pour apporter le meilleur. Il est donc évident que personne ne peut réussir tout seul. Quant à l’exécution, elle suppose une précision millimétrique, en médecine comme dans la conduite de l’entreprise. Les dirigeants d’Elsan doivent int&eacu te;grer cet ADN au quotidien, nous avons l’ambition de devenir une entreprise de référence en France. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR
KEREN LENTSCHNER ET BRUNO JACQUOT
© Le Figaro