Au carrefour de la santé et de la mode, nous réalisons quotidiennement à quel point il est difficile d’avoir des pratiques vertueuses en matière d’environnement.

Plein de bonnes raisons de continuer à ne pas penser « développement durable »

Hygiène et jetable

L’hygiène en santé, indispensable à la sécurité des personnes, aussi bien patients que soignants, pousse à l’utilisation d’équipements jetables. Faciles, rapides, efficaces lors des gestes effectués par les professionnels de santé, ils repoussent le problème vers l’aval et la gestion des déchets, déléguée à d’autres acteurs.

Le Covid a mis cette tendance en exergue. Des masques en tissu, réutilisables, ont été fabriqués dans l’urgence. Au fur et à mesure de l’acquisition de nouvelles connaissances sur l’infection, leur confection a fait l’objet de normes évolutives. Jusqu’à ce qu’ils soient massivement remplacés par des masques jetables, devenus la norme lors des vagues suivantes du Covid. Oublié le développement durable. Comme s’il ne pouvait pas être compatible avec la sécurité des personnes. Et pourtant, le fait de retrouver massivement des masques usagés partout, sur les trottoirs, dans les cours d’eau, dans les champs et les forêts, n’a-t-il réellement eu aucun effet sur la propagation du virus ?

Pour qu’un produit non jetable puisse être utilisé dans un service hospitalier, il doit se conformer aux procédures de désinfection qui y sont généralement appliquées. Donc résister au produit corrosif qui compose le bain dans lequel il va être plongé pendant un certain temps (une à quelques dizaines de minutes). Ou entrer dans le processus de nettoyage mis en œuvre pour les produits textiles notamment (draps, blouses d’hôpital…). Autant de contraintes qui rendent les produits jetables beaucoup plus attractifs, aussi bien au niveau de la conception (les matières n’ont pas besoin d’être résistantes) que de la gestion par le personnel hospitalier.

 

Le choix des solutions à moindre coût

La maîtrise des dépenses de santé, qui croissent pour de multiples raisons, pousse à des décisions d’achats de produits à coûts réduits, souvent approvisionnés d’Asie.

Les masques sanitaires en sont un bon exemple. Le développement extrêmement rapide d’une filière française, encouragée par le gouvernement, a permis de répondre aux besoins urgents apparus au moment du premier confinement.

Mais un an après, ces capacités étaient largement sous-employées. Car les produits fournis par la Chine, par les prix compétitifs qu’elle a offerts, ont remporté une majorité d’appels d’offre publics. Peu importe que ces masques aient parcouru des milliers de kilomètres, contribuant ainsi au réchauffement climatique, la logique de coût l’a encore une fois emporté dans les décisions d’achat de produits de santé.

Le choix des tissus

Les problématiques de peau, induites par les maladies et/ou leurs traitements, et touchant de nombreux patients, orientent vers l’utilisation de certaines matières. Le coton est la première matière citée par les professionnels de santé comme présentant le moins de risque pour la peau.

D’un point de vue du développement durable, le coton est pourtant un désastre écologique. Sa culture consomme une grande quantité de pesticides (contribuant à la pollution des sols et des nappes phréatiques), ainsi que d’importants volumes d’eau (a minima 7000 litres pour un kilo de coton).

Peut-être d’autres matières permettraient elles de mieux concilier une production écoresponsable avec les besoins des peaux sensibles. Mais il manque des études et des tests pour le justifier et faire évoluer les mentalités.

Pas de renoncement pourtant, mais des compromis

Malgré les nombreux obstacles qui se dressent sur notre chemin, nous ne renonçons pas à améliorer progressivement l’impact environnemental de notre activité et à contribuer à l’évolution des mentalités.

Nous sommes certes loin de notre rêve initial de produire en France, à partir de matières bio produites en France ou recyclées.

A chaque décision, nous nous livrons à un numéro d’équilibriste pour trouver le compromis qui fasse le plus de sens pour nous et nos parties prenantes.

Production européenne

Produire en France se serait traduit par un prix à payer par nos clients patients très élevé. A un moment financièrement compliqué pour eux : perte de revenu et dépenses en hausse. Car même si nous avons la chance d’une très bonne prise en charge des traitements par les organismes publics français, la majorité des approches non médicamenteuses n’en bénéficient pas et restent à la charge des patients.

Aussi avons-nous fait le choix de sous-traitants européens, pour limiter le nombre de kilomètres parcourus par nos produits et garantir une confection éthique de qualité. Ils sont certes plus coûteux que des vêtements fabriqués au Bangladesh et vendus 10 euros en supermarché. Mais il ne s’agit par des mêmes produits, ni en termes de qualité de matière et de confection, ni en termes de complexité de coupe.

Cela ne signifie pas que nous ne fabriquerons jamais en France, qui reste un objectif dans notre ligne de mire à long terme. Nous n’avons jamais cessé de rechercher des ateliers, de les visiter, de les tester. Nous venons d’ailleurs de lancer le premier produit Rue du Colibri « made in France ». En collaborant avec un atelier qui utilise un procédé de fabrication limitant les déchets de matière textile et emploie des personnes éloignées de l’emploi, nous faisons un nouveau pas vers une meilleure responsabilité sociale et environnementale.

Vers de nouveaux usages : la location

Nous nous sommes ensuite intéressées à l’utilisation de nos produits, qui doit se poursuivre sur toute leur durée de vie pour éviter le gaspillage des ressources qui ont permis leur confection. Nous sommes sur des usages qui peuvent n’être que temporaires, notamment dans les parcours de soins en oncologie. Une majorité de patients nous a indiqué ne plus pouvoir porter le vêtement qui les a accompagnés en chimiothérapie. Non pas parce qu’il est trop usé, mais parce qu’il porte une charge affective lourde et qu’il les ramène à un endroit qu’ils ont envie d’oublier.

Dans un tel contexte, nous avons décidé de proposer un service de location de nos vêtements (à découvrir sur https://www.payfacile.com/rue-du-colibri/home). Il contribue à un meilleur usage de nos vêtements. Il garantit leur possible recyclage en fin de vie. Et il accompagne les patients dans la transition vers l’après cancer, en leur permettant de clore l’étape des traitements. Ils peuvent ainsi bénéficier d’un compagnon de soins pendant leurs traitements qu’ils seront soulagés de renvoyer à la fin de leurs parcours.

Même si nos activités sont loin d’être parfaites du point de vue du développement durable, nous allons dans la bonne direction. Nous sommes conscientes d’avoir de nombreuses voies d’amélioration à explorer, à notre niveau mais également en collaboration avec nos partenaires.

Nous sommes à l’écoute de toutes les bonnes idées et serons heureuses d’échanger, de partager et de trouver ensemble des pistes de progrès.

Alors n’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions bienvenues !

 

Lucie Gueyffier & Angeline Ribadeau-Dumas